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132 LA REVUE LYONNAISE chaos de barbarisme et de sophismes où nous sommes perdus, ce qui s'appelle le bien et ce qui s'appelle le mal ; tous les vices pren- nent le nom de toutes les vertus ; devant ces ruines qui fument encore, on demande ce que c'est que le crime, et il n'est pas jus- qu'au meurtrier qui ne prétende juger la justice. Il est temps que cela cesse. Nous sommes des impatients, sachons attendre; que la jeunesse sache ce que c'est que la République avant de la gou- verner. Nous sommes des insoumis ; le besoin de parler, la fureur de reprendre rendent le commandement impossible.il n'est pas un nom illustre qui n'ait été avili par nos sarcasmes ; pas un homme utile que nos railleries n'aient mis hors d'usage en quelques jours ; et le seul moyen d'obtenir la popularité, c'est de dénigrer avec furie tout ce qui devrait êlre populaire. » Ce désordre moral et intellectuel que signalait, il y a quelques années, l'homme observateur et expérimenté dont je viens de citer les paroles, doit-il être imputé seulement à notre caractère? Sans doute la frivolité nous tue, ou du moins elle s'allie à l'irrévérenee universelle; l'esprit plutôt de destruction que de réforme, nous en- traîne à la pente sur laquelle la nation glisse peu à peu comme l'ont fait toutes lesnations menacées de décadence. Ce qui est sérieux et ce qui est futile s'associe assez bien dans l'esprit du plus grand nombre, et la jeunesse se ressent incontestablement de cet entraî- nement général. Or, n'est-ce pas tout à la fois le sujet et la forme du livre et du journal en faveur qui entretiennent et provoquent cette tendance et ce goût? Au nom des disciples de l'école utilitaire, les gens du monde, comme les gens d'affaires, dira-t-on, ne se sont ils pas ap- pliqués aux choses sérieuses? Sans doute le même écho, de l'orient à l'occident, a répété : Enrichissez-vous et jouissez ! et l'heure de ce qu'on nomme les affaires sérieuses a sonné, et les victoires de la spéculation financière ont été proclamées avec enthousiasme par les organes de la publicité. A la vue des richesses de l'intelligence et des œuvres des grands écrivains, la réflexion de l'ignorant de la fable a été répétée à l'envi : Mais le moindre ducalon Serait bien mieux mon affaire*