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 22                       LA U K V r E LYONNAISE
 gentilshommes s'entretiennent familièrement. Don Carlos expose à
 son libérateur inconnu les circonstances qui l'ont amené aux lieux
 où il se trouve et la poursuite qu'il fait de l'amant perfide de sa
 sœur :

    Nous nous voyons obligés, mon frère et moi, à tenir la campagne pour une
 de ces fâcheuses affaires qui réduisent les gentilshommes à se sacrifier, eux et
 leur famille, à la sévérité de leur honneur, nuisque enfin le plus doux succès en
 est toujours funeste, et que, si l'on ne quitte pas la vie, on est contraint de quit-
ter le royaume; et c'est en quoi je trouve la condition d'un gentilhomme mal-
 heureuse, de ne pouvoir point s'assurer sur toute la prudence et toute l'honnê-
teté de sa conduite, d'être asservi par les lois de l'honneur au dérèglement de la
conduite d'autrui, et de voir sa vie, son repos et ses biens dépendre de la fan-
taisie du premier téméraire qui s'avisera de lui faire une de ces injures pour qui
un honnête homme doit périr. (Le Festin de Pierre, acte III, scène IV).

   Chemin faisant, ils rencontrent une troupe de gens armés : elle
est commandée par l'autre frère d'Elvire, don Àlonse, qui, à la vue
de son ennemi abhorré, veut s'élancer sur lui. Mais don Carlos
s'interpose et jure qu'il défendra son sauveur même contre son
frère, quitte à le combattre le lendemain avec le même acharne-
ment qu'il met à le proléger.

   Arrêtez, mon frère, je ne souffrirai point du tout qu'on attaque ses jours ;
et je jure le ciel que je le défendrai ici contre qui que ce soit, et je saurai lui
faire un rempart de cette même vie qu'il a sauvée : et pour adresser vos coups il
faudra que vous me perciez... Si je fais une faute, je saurai bien la réparer, et
je me charge de tout le soin de notre honneur; je sais à quoi il nous oblige, et
cette suspension d'un jour, que ma reconnaissance lui demande, ne fera qu'aug-
menter l'ardeur que j'aide le satisfaire. (Id. III, scène V.)

   N'est-ce point la doctrine toute pure du point d'honneur castillan?
   Dans le Sicilien       (scène XIII), il y a une pointe de gaieté i r o -
nique.
   HAU. — Seigneur, j'ai reçu un soufflet. Vous savez ce qu'est un soufffet,
lorsqu'il se donne à main ouverte sur le beau milieu de la joue. J'ai ce soufflet
fort sur le cœur, et je suis dans l'incertitude si, pour me venger de l'affront, je
dois me battre avec mon homme ou bien de faire assassiner.
  DON PÈDRE. — Assassiner, c'est le plus court chemin.

  Heureux Hali, qui, pour atteindre son ennemi, n'a que l'embarras
de choisir entre deux si beaux procédés !