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                  SOUVENIRS — 1 8 1 3 - 1 8 1 4 - 1 8 1 5          403
    Nous nous inclinâmes et prîmes congé, très émus de cette con-
 versation.
    La nouvelle de ce qui se passait à Paris ayant de plus en plus
 circulé et monté les têtes grises ou poudrées de la vieille aristo-
 cratie, nous fûmes entourés par de riantes figures. Le chapeau
 rond de quelques-unes portait déjà, pour signe de ralliement, des
 cocardes blanches improvisées, en ruban et même en papier. Je
 ne pouvais y croire qu'en me frottant les yeux.
    Tout devenait confus autour de moi. Mon esprit, prompt à
l'anxiété, entrevoyait de nouvelles tempêtes, de nouveaux appétits
à satisfaire, des haines, des revendications, contre lesquelles il fau-
drait lutter. On essaya de nous persuader que les représentants de
la seconde ville de France devaient spontanément, et sous les yeux
même des alliés, faire une démonstration pour appuyer celle de
Paris; mais M. Jordan, d'accord avec moi, fit sentir à M. de Lau-
rencin qu'il ne-us convenait de garder, pour le moment, une stricte
neutralité ; que proclamer, sous les fenêtres de l'empereur d'Au-
 triche, au nom d'une ville tombée en sa puissance et connue par
ses sentiments napoléoniens, l'exil de sa propre fille, alors que
rien n'était décidé, serait tout au moins intempestif.
    A quatre heures du soir, nous montions le grand escalier d'Un
hôtel au bas duquel un poste de moustaches hongroises semblait
dire : « C'est ici que demeure le petit-fils de Marie-Thérèse. »
    Un chambellan, le comte de Wrubna, si j'ai bonne mémoire,
nous introduisit ;dans un long et étroit cabinet tendu de damas
vert. Là, debout dans un angle, en redingote gris-bleu, modeste-
ment botté de noir, nous reçut le pâle et fluet descendant de la
maison de Habsbourg-Lorraine. Inutile de vous tracer sa figure,
si parfaitement ressemblante sur toutes les pièces de 20 kreutzer
du Saint-Empire.
    Nous le saluâmes respectueusement, et lui, se courbant légère-
ment, nous fit, de la main, un petit geste amical. Ici je dois sus -
pendre mon récit pour vous informer que peu avant de passer le
seuil de l'hôtel, M. de Laurencin nous arrêta et nous demanda
lequel de nous porterait la parole.
    a Mais vous, monsieur, répartit M. Jordan.
   • •—C'est bien ! Mais alors notre humble requête exprimée et les