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                          W.-G. B O N A P A R T E - W Y S E                              383
fêtes internationales de Cannes, en 1879,1e poète prend de l'envergure, et l'artiste
trouve d'instinct cette description luxuriante que sa nature d'homme du Nord
 semblait lui refuser. Elles y sont à égal degré, ces deux qualités chaleureuses,
 dans cette autre ffusion lyrique : Lou Roumièu dcu soidèu, toutefois avec plus de
mélancolie dans le sentiment. Il a trouvé en lui son héros, ce pèlerin du soleil,
 quittant, quand vient l'hiver, son manoir de Saint-John et ses terres de Waterford,
pour le pays d'Antibes, et pour ce cap « incomparable » d'où se sont envolées
ses plus chaudes inspirations. Il a daté aussi de ce lieu une épître orientale1,
lumineuse évocation de ses amis absents, qu'on ne peut comparer chez lui qu'aux
deux poésies précédentes, pour la couleur méridionale. Mais voici un genre où
ce poète n'a pas à craindre de rivaux. Avec la Cabeladuro d'or, fantaisie et
lyrisme à la façon de Henry Heine, sur une chevelure blonde trouvée dans un
tombeau du seizième siècle au village des Baux, il nous préparée ces poèmes fluides
et profonds qui vont bientôt lui succéder : Melacale, Magalouno et le Dimanche
du mois de mai. Ils n'appartiennent vraiment à aucune classe définie. Tantôt
débordant de sève et de lumière, comme le Dimanche du mois de mai, tantôt
vaguement ensoleillés comme Magalouno, on en éprouve un charme étrange,
semblable à ce parfum qui sort des choses disparues. C'est bien le cas de Maga-
louno, songerie mélancolique sur une ville qui n'est plus.
  Quant au premier Melacale (soulômi), c'est comme une voix qui soupire, à la
clarté des éloiles, avec des sons de lyre ou de psalterion. Nous sommes trans-
portés dans la féerie du rêve par un singulier enchanteur.... Mais pour revenir
à des inspirations qui soient à la portée de tous, nous citerons trois poésies d'une
suavité rare : Li très /tour, gracieuse image, Enroulas me d'enfant, qui rap-
pelle Victor Hugo :

               Envoûtas me d'enfant, de picliots innouceut
               Qu'on lou céu (lins lis iue — d'acô sarai countènt !
               Sièu malaut, sièu malaut e moun cor se desg'orgo
               I trahisoun dis orne e di femo i messorgo...

et cette perle qui est laite d'une larme : « Un Deo grattas o ce que dis de sa toumbo,
uno pichoto mortoà soun paire descounsoula. » On pouvait sourire là-haut, ici il
faut pleurer, et c'est la douleur de Tavan, le poète ému entre tous, qui en est la
cause involontaire. Mais la plupart de ces poésies sont intraduisibles; les derniers
poèmes surtout: Melacale, Magalouno et lou Dimanche du mois de mai;
tandis qu'on obtenait une prose charmante qui rappelait le vieux français de Da-
phnis et Chloè, avec la traduction de nos trois premières études sur l'antiquité.
   Le moyen âge a également inspiré M. Wyse, plus peut-être qu'aucune autre
époque. Une étude constante de sa littérature l'y a poussé. Il faut cependant
tenir compte de certaines tendance du poète, tendances aristocratiques à envi-
sager la vie au point de vue féodal, à aimer età vivre même cette existence de poésie

  1 Lëu Cap incomparable, l'lyraouth, Isaiali Keysj 1881; et danâ le volume des Piadd.