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210 LA R E V U E LYONNAISE vriront à tous la sérénité de cette poésie magnifiquement douce et tendrement sauvage, qui, sous la pureté d'un galbe antique, cache un souffle moderne et profondément chrétien ! Mais M. Mary Lafon ne s'en tient pas là , et appuyant sur Calèn- dau: « Sous un voile allégorique assez maladroit et des plus transparents, l'auteur, dit-il, y exhale la haine enfiellée de la France et provoque ouvertement la population provençale à une séparation fratricide. » Voilà donc cette vieille question de séparatisme ressuscitée comme à plaisir. Deux ans passés, quelques journalistes parisiens se permirent d'invectiver Mistral sur son patriotisme, et parlèrent d'arracher à sa poitrine cette croix que l'Académie française lui fit jadis obtenir. Lisez, monsieur Mary Lafon, ce que répondit le poète, écoutez ce qu'il écrivit, après cette diffamation, pour tous ses insulteurs passés et à venir : « Nul n'est meilleur français que moi. J'ai dit cela sur tous les tons et de toutes les façons. Mais comme j'ai pris à tâche de rendre la vie littéraire à un idiome qui n'est pas celui de la majorité des Français, les unitaristes à outrance m'accusent de séparatisme afin de faire détester et d'enrayer mon entreprise. » Que parler maintenant des strophes si connues de Mireille, du Sirventeaux Catalans, du Tambour d'Arcole,etc., à ces pharisiens du patriotisme qui, d'une plume mercenaire et simulant la loyauté, s'attaquent sans pudeur à une gloire aussi hautement française. Deux littératures pour un pays, double cou- ronne assurément. C'est ce que proclamait Villemain. Considérez aussi le dépérissement littéraire de nos voisins Anglais, Italiens et Allemands... Et verrons-nous longtemps avec tranquillité des universités prussiennes étudier et admirer nos jeunes Provençaux à l'égal des anciens classiques, qu'on les discutera encore et misérablement chez nous ? Oh! répétons plutôt cette parole d'un félibre : J'aime mon village plus que ton village, J'aime ma Provence plus que ta province, J'aime la France plus que tout! Mais nous avons laissé M. Mary Lafon au moment où il allait