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M. M A R Y L A F O N 211 parler des Iles d'or, « production parue en 1876 et qui est la plus faible sous le rapport de la pensée et même du style... » — Décidément, monsieur Mary Lafon, il faut des dents pour cro- quer des noisettes ! (( Et Mistral revient sur cette double idée d'autonomie et de séparatisme avec une sorte d'acharnement.;; Il cite la fameuse pièce de la Countesso et à ces deux strophes de la fin : « Ceux-là qui ont la mémoire, ceux-là qui ont le cœur haut, ceux-là qui, dans leur chaumière, entendent siffler le mistral, les vaillants, les chefs du peuple, ah! s'ils savaient m'entendre, ah ! s'ils voulaient me suivre! En criant: Faites donc place ! Impétueux, les vieux et les jeunes tous encore nous partirions la bannière au vent, nous partirions comme une trombe, pour enfoncer le grand couvent 1 . » « Il n'est pas étonnant, dit-il, qu'avec de telles aspirations il ait éloigné tous ceux qui comme moi ont enraciné jusqu'aux dernières fibres du cœur le culte de la patrie française. » Le mot est dur, la conviction doit être profonde! Mais voici que je trouve cette même idée du poète sous une autre forme, dans une lettre offi - cielle de M. Mary Lafon à l'Athénée de Marseille, et à la date du 1 " janvier 1853. « Depuis ving-cinqans, écrit-il, je traraille aveccourage et espé- rance à déchirer le voile quel'en vie et les haines du Nord ont étendu sur le front jadis si haut et si brillant de la patrie méridionale 2 . » Et le titre de la comédie de Shakespeare me revient à l'esprit. Mais laissons là ces petites querelles. Nous sommes bien près de la fin de notre histoire littéraire ; l'auteur en vient naturellement à discuter le félibrige. En réclamant la langue du terroir pour les hommes du Midi, il déclare ouvertement qu'il aurait applaudi à ses réformes, s'il se fût reporté à la fin du précèdent siècle, où la langue méridionale avait un caractère universel et clas- sique. Nous répondrons d'abord que la langue du Midi n'a j'amais possédé ce caractère « universel et classique » à une époque plutôt qu'à une autre. Les troubadours reconnaissaient six 1 Le grand couvent où la langue française tient enfermée sa sœur, la langue d'Oci autrefois son égale. 2 Cinquante années de vie littéraire, p. 310;