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MAINE DE BIRAN 137 détour sous ce rapport, l'âme n'a qu'une virtualité, qu'une seule faculté proprement dite, il y a en elle la volonté et pas autre chose. Peut-on désirer un énoncé plus catégorique que celui qui va suivre : « Notre personnalité individuelle repose tout entière sur l'exercice de cette force suprasensible, ou puissance d'agir, que nous appelons volonté... Il s'ensuit que cette grande division admise dans toutes les écoles entre l'entendement et la volonté est purement artificielle, qu'elle n'a aucun fondement réel dans notre nature, enfin que l'intelligence et la moralité reposent sur un seul et même principe £. » Extraordinaires paroles, qui résonnent pour la première fois en philosophie, et qui sans doute étonnent, inquiètent par leur nouveauté. Jamais nul philosophe n'a posé si résolument la thèse d'une seule puissance, d'une seule faculté de l'âme. C'est à tort, selon Maine de Biran, que l'on voudrait ré- clamer le rang spécial de faculté pour l'intelligence : l'intelli- gence n'est pas un principe actif à côté du principe d'activité libre dans lequel consiste la volonté ; la volonté met son estampille à tout ce qui sort réellement de nous, la volonté est l'unique puis- sance de l'âme. Qu'on le remarque : c'est la même thèse au fond que celle de Descartes, seulement les termes en sont transposés. Descartes faisait de la pensée l'attribut essentiel de l'âme, et parmi les pensées il comprenait les volitions. Maine de Biran fait de la volonté l'at- tribut essentiel de l'âme, et dans la volonté il trouve la pensée incluse. Pour l'un, le penser renferme le vouloir; pour l'autre, le vouloir renferme le penser. Sans contredit, ces doctrines re- cèlent une appréciable différence. Mais aussi elles offrent sous certains rapports une frappante similitude ; elles ont ceci de commun que toutes deux identifient la volonté et l'intelligence et qu'elles affirment dans l'âme une seule force, une seule faculté, une puissance unique. Voilà donc aussi la trace cartésienne retrouvée ; changée aussi, il faut en convenir. La science aura à rechercher qui dit vrai de celui qui définit l'âme par la volonté ou de celui qui la définit par la pensée, quoique au fond si ces choses, de l'avis des deux philo- 1 Œuvres inédites, t. I, p. 110.