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36                   LA REVUE LYONNAISE
 reste entièrement nu. Le pantalon traditionnel des odalisques tombe
 à larges plis jusqu'à la cheville du pied où l'attache un filet d'or.
 Un grand pagne d'étoffe blanche se croise en écharpe sur le cor-
 sage, tourne autour des reins et s'arrête à mi-jambe pour former
 une sorte de caleçon bouffant comme en portaient les seigneurs de
 la cour de France sous Henri III.
    Le costume se complète par une profusion de bijoux, pendants
 d'oreille, bagues et bracelets qui fait rêver aux merveilleux écrins
 des Mille et une nuits. Au-dessus de chaque pied pendent des
 grelots d'argent dont le tintement accompagne chaque mouvement
 de la danseuse. Le nez lui-même a son emploi dans cette exhibi-
 tion d'orfèvrerie, il porte un petit ornement d'or en forme de
croissant. Franchement, celui-là est de trop. Je ne sais pas ce
qu'en pensent les Indiens, mais tous les Européens sont d'avis que
 ces dames gagneraient à le supprimer. J'ai vu à Paris à peu près
 tous les endroits où l'on danse, les salons sévères et les joyeuses
 closeries d'étudiants; j'ai vu à l'Opéra les ballets sur la scène et
 le carnaval dans la salle ; j'aurais juré que Terpsychore avait
 dépouillé pour moi tous ses voiles, mais j'avais compté sans cette
danse étrange dont l'Orient me gardait la surprise. Ce n'est ni
la promenade gourmée dessalons, ni les jetés-battus de l'Opéra,
ni le déhanchement furieux des bals publics ; c'est de la mimique
autant que de la chorégraphie ; un ensemble de mouvements gra-
cieux auquel travaille le corps tout entier de la bayadère. Ses
yeux agrandis par le khôl roulent langoureusement sous leurs
rideaux de cils noirs, son cou se penche, sa poitrine se cambre, ses
bras se déploient, s'arrondissent, se joignent pour une prière,
s'élèvent pour une action de grâces, se jettent en avant pour
un appel d'amour, se tordent pour un désespoir et rendent tour
à tour avec une vérité saisissante les mille expressions des pas-
sions humaines. Les hanches et les pieds ont aussi leur langage.
L'orchestre marque la mesure sur un rythme lent et grave. Les
autres bayadères forment un chœur; elles traduisent en chansons
la pantomime de leur compagne. Cette pantomime est souvent la
représentation d'une sorte de drame d'amour en trois actes. Au
premier acte, la danseuse y joue le rôle d'une jeune fille qui ne
connaît pas encore l'amour. Elle s'avance dans la paix de sa virgi-