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                            L'AVEUGLE                              413
me disais-je, à soufleter cet homme !... Mais il ne perdra rien
pour attendre... »
    Nous nous trouvâmes à l'heure fixée au rendez-vous, et là, les
témoins des deux adversaires firent une dernière tentative. « Capi-
taine Saint-Gérand, M. Valette affirme qu'il n'a pas eu la plus
légère intention de vous offenser... Capitaine Valette, dites que vous
regrettez ce qui s'est passé hier, nous tiendrons cela pour des
excuses.— Assez, assez, s'écria Saint-Gérand, je ne veux pas
d'excuses pareilles; c'est tout au plus bon pour des bourgeois...
 Voyons, Messieurs, mettez-nous en place, et que cela finisse. »
    On nous plaça à la distance de vingt-cinq pas, le signal fut donné,
 et la balle de Saint-Gérand siffla à mon oreille, pendant que je
 déchargeais mon pistolet en l'air. « Voilà une affaire heureuse-
 ment terminée, s'écria l'un des témoins, et j'espère qu'il n'en sera
 plus question... Messieurs, vous pouvez présentement vous donner
 la main. » Je fis un pas vers Saint-Gérand. « Pardon, répondit-
 il d'une voix furieuse, mais il ne sera pas dit que le capitaine
 Valette m'a fait grâce. C'est à recommencer... Point d'observa-
 tions... Voulez-vous que j'aille soufleter monsieur?... » On re-
  chargea les pistolets, et le signal fut donné à nouveau. La balle de
 l'adversaire m'atteignit légèrement à l'œil droit. La mienne lui
  perça la poitrine. Il tourna une fois sur lui-même, et tomba.Nos
 deux amis m'entraînèrent.

   J'ai changé de régiment, malgré toutes les obseivations du
major Bédel : « Vous n'avez rien à vous reprocher, absolument rien,
me disait-il, et le colonel est tout à fait de mon avis. On trouve
même que vous avez eu beaucoup de patience. J'ai eu plusieurs
duels, mais du diable si je tirais en l'air, quand je n'étais pas
dans mes torts. A la guerre comme à la guerre, après tout. Je
conviens que c'est bien malheureux pour Saint-Gérand, et surtout
pour sa femme, qui doit accoucher bientôt, à ce qu'on assure. Mais
enfin, pourquoi son mari vous a-t-'-'il poussé à bout?... Allons, Va-
lette, soyez homme... » Et ainsi de suite.

   Je suis retourné en Afrique, mais jusqu'à présent la mort n'a
 pas voulu de moi. Et pourtant que la vie me pèse ! Le jour, et sur-