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              LE DERNIER ROMAN DE M. DAUDET                           325
 d'Aps était d'un autre tempérament que sa femme. Nous appre-
 nons qu'un épais monsieur trompe une épouse sensée avec une
 vieille folle du parti dont il est le leader. Une corneille, qui abat des
 noix, a plus d'adresse que cet oison, qui n'aurait pas dû sortir de
 sa basse-cour ensoleillée.
    Numa est ministre. Il représente au pouvoir le groupe le plus
 collet-monté, le plus jaloux de ses traditions chevaleresques, le
groupe légitimiste. Gomment cette encombrante personnalité se
comportera-t-elle au poste dont l'ont gratifié les circonstances?
 Sans doute ce Provençal tranchera par quelque singularité sur les
figures effacées qui l'environnent. On entendra dans le Conseil son
creux tonitruant. Il sera sublime ou grotesque, mais personnel,
mais original. Hélas ! ce ministre ne fait rien que ce que le pre-
mier venu aurait fait à sa place. Il larde son contrat de coups de
canif, ce qui n'est pas un passe-temps particulier à son pays. D'un
goupillon prodigue il distribue l'eau bénite de cour. Il éblouit les
simples des facettes de son éloquence taillée en bouchon de carafe.
Il promet, et se promet de ne pas tenir. Parbleu, c'est l'alphabet
du métier. Tout être qui, pour se jucher à une position, a grimpé
sur l'épaule de ses compatriotes, les abuse de belles paroles. Tant
pis pour le nigaud qui s'y laisse prendre. Valmajour, le tambou-
rinaire, ne nous inspire ni plus ni moins de surprise et de pitié que
le départemental trépignant d'impatience dans l'antichambre d'un
pays parvenu. A ce propos, n'y aurait-il pas un joli travail à es -
sayer sur le solliciteur, ce type de tous les temps et de toutes les
latitudes? Je le signale au romancier, quand il lui plaira de re-
présenter une situation toujours neuve, car elle est la vie, non
exclusivement septentrionale ou méridionale, mais la vie tout
court.
   Revenons à Numa. Moins sage que son patron de l'antiquité,
Numa s'amourache d'une diva des Bouffes, dont le vice n'attend
pas le nombre des années. Faiblesse compréhensible chez toute
créature placée ou non. On a un coeur, que diable! et des sens. Pas
n'est besoin d'avoir connu la férule des bons frères, pas n'est be-
soin d'avoir fait son chemin à Paris ou ailleurs pour être acces-
sible à la passion, quelque sotte qu'on la suppose. Mais ce que nous
défendons à un homme en place, particulièrement à un champion