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326 LA REVUE LYONNAISE du trône et de l'autel, c'est de pousser la passion a un paroxysme extravagant. Quoi ! nous nous baignons en plein Arvilard, prononcez Allevard; Lyon, ville morale, a envoyé là -bas la fleur de ses Argus ; une atmosphère de curiosité, de contrôle, enveloppe Rou- mestan, et Roumestan s'affiche coram populo avec une actrice? on lé verra rouler en voiture découverte, en compagnie d'une cabotine et de sa digne mère, Schneider, de Bordeaux, qui porte des bas rouges? M. Daudet n'est pas sans s'être frotté aux puis- sants delà terre. Il ne doit pas ignorer qu'un certain décorum est attaché aux fonctions officielles, que de ce décorum le plus toqué ne saurait impunément s'affranchir. Un masque, je le veux bien, dont on se dépouille dans l'intimité; mais, en public, ce masque reste inexorablement figé aux traits qu'il recouvre. Un autre viveur que l'enfant d'Aps se serait disqualifié par de pareilles inconsé- quences. Ces inconséquences, Arvilard les accepte, alors que Cha- renton n'aurait pas assez de douches, le Tintamare pas assez dequolibetspourlesredresseretles divulguer. La Provence est-elle aussi dévergondée que cela? Le correctif parisien, la tenue, la cir- conspection, la mesure, n'a-t-il rien tenté pour endiguer, canaliser tant d'exubérance? L'exécutant n'a-t-il pas accentué le trait j u s - qu'à la charge, haussé le ton jusqu'à la fausse note? Que le public réponde. J'ai bien peur qu'il demande dans quel Paris un directeur failli est maintenu au théâtre, à quel Opéra une chanteuse d'opérette émet son organe de chatte enrhumée, sur quelles planches subven- tionnées Valmajour exhiba jamais un tambourin et un flûtet? Le pauvre diable est sifflé, même aux Folies-Bergère : preuve que sa place n'est ni dans le paradis Vaucorbeil, ni dans l'enfer Sari. Reste le purgatoire, la province. Retournez-y, ô Valmajour! De cet amalgame de fantaisie et de réalité se dégage une im- pression bizarre, capiteuse. La sauce gratte le palais comme un ragoût pimenté. On attendait une statue taillée dans le roc : on a les déhanchements d'un fantoche. Qu'est-ce, en effet, que Rou- mestan ? Tartarin affublé d'un habit brodé, un farceur grave, la pire espèce des farceurs. Tartarin amusait, se mouvant dans un milieu qui lui permettait des aventures cocasses. Transplantée dans le terreau parisien, la plante provençale est aussi stérile de gaieté qu'on peut l'imaginer. La hâblerie de Numa, sa faconde écervelée,