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24 LA REVUE LYONNAISE assurément de quoi satisfaire nombre de personnes, même difficiles. Quand un homme se propose un but il doit envisager froidement le chemin à parcourir,, les écueils à éviter, les tentations à fuir; ainsi avait fait Maurice. Une des premières règles qu'il s'était im- posées et que, jusqu'à ce jour, il avait su ne pas enfreindre, c'était d'éviter franchement les femmes. Trop pauvre et trop délicat pour les amours vénales, trop galant homme pour chercher à détourner du devoir, au profit d'un caprice, une femme irréprochable, il se disait en outre que toute son énergie, toute sa volonté n'étaient pas de trop pour combattre le grand combat de celui qui de rien veut arriver à quelque chose. Enfin, s'il avait parfois songé au mariage, c'avait été pour faire et renouveler le serment qu'on ne le verrait jamais, de gaieté de cœur, river son existence à l'une de ces poupées à ressort, élevées dans l'amour-propre et la frivolité, qui ne savent que s'habiller, danser et bavarder. Deux ou trois bals où son père l'avait jadis traîné bon gré mal gré, et où il avait rencontré quelques -unes de ces jeunes femmes et jeunes filles dont les j o u r - naux à reportage publient et commentent les faits et gestes et les toilettes, avaient suffi à son esprit chagrin pour lui faire porter ce jugement absolu. Il commença donc par ne faire aucune attention à Séverine, même par trouver plutôt désagréable la présence de la jeune fille. Un peu égoïste, comme tous ceux qui vivent très isolés, il avait l'habitude d'aller de préférence chez Glotilde aux heures où il comptait la rencontrer seule; elle était ainsi toute à lui, il n'avait point à subir des conversations insipides, à supporter la vue de gens ridicules ou antipathique, et il n'en fallait pas beaucoup pour obtenir de lui l'une ou l'autre de ces épithètes. Ils craignait que M lle Lefort ne devint un obstacle à son intimité avec Mmo Evrard, que celle-ci, du moins lorsque sa jeune amie y serait, n'eût plus pour lui cette bonté affectueuse, cette complai- sance toute fraternelle qui la faisait enjouée quand il se trouvait gai, pensive quand il se montrait triste ; il appréhendait enfin d'être relégué par elle au second plan, de la voir peu à peu accaparée par le monde; et quand on songe qu'elle était la seule personne qui s'in- téressât à lui, la seule dont il fût toujours sûr d'être écouté et com- pris, on ne se sent pas le courage de lui reprocher cette jalousie t