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                  LE MARIAGE DE SÉVERINE                              25
dans l'amitié. Il ne fut pas longtemps à se convaincre que ses alar-
mes étaient vaines, Glotilde n'avait en rien changé sa manière
d'être à son égard, et Séverine, dès leurs premières rencontres,
l'avait accueilli avec un bon sourire; ils firent avec le temps plus
ample connaissance et Maurice en rentrant chez lui se surprit un
beau jour en train de se dire que toutes les jeunes filles n'étaient
pas des poupées, qu'on pouvait très bien causer avec elles et qu'il
n'en voulait pour preuve que MUe Lefort.
    Celle-ci en effet n'avait pas tardé à acquérir, en tenant la maison
de son père dont elle faisait les honneurs aux quelques amis qu'il re-
cevait de loin en loin, une assurance qui manque d'ordinaire aux
jeunes filles habituées à baisser les yeux et à se réfugier derrière
les jupes do leur mère, comme les ingénues à robe de mousseline
et à tablier à bretelles de M. Scribe. Elle lisait beaucoup, car
M. Lefort lui tenait rarement compagnie, et elle ne sortait point,
ne voulant point lui imposer la corvée de la mener dans le monde
qu'elle disait d'ailleurs aimer fort peu ; elle allait plus volontiers
au spectacle, savait écouter et apprécier. N'ayant chez elle d'autre
société que son père dont l'humeur triste et morose n'était rien
moins que faite pour la conversation, elle prit goût de son côté
au salon de Glotilde et ne tarda pas à s'y laisser aller à toute la
finesse, à tout l'imprévu d'un esprit longtemps comprimé.
    Si modeste, si réservée que soit une femme, un homme est toujours
 un homme pour elle, et l'idée de luiplaire ne la laissera pas indiffé-
 rente, surtout quand cet homme est jeune, quand son intelligence
 ou son talent rendent la conquête plus difficile, la victoire plus
 flatteuse. Séverine ne voyait guère que Maurice, et elle le prit naïve -
 ment pour le point de mire de ses innocentes coquetteries. Sa
 beauté, son esprit, le charme qui se dégageait de toute sa personne
 auraient fait impression sur l'homme le plus blasé et Maurice
 n'était pas cet homme. Revenu de ses premières préventions, il
 ne se lassait pas d'écouter la jeune fille dont la voix fraîche et
 sonore était une musique à son oreille. D'un accord tacite ils
 avaient su bientôt se rencontrer chez leur amie commune les jours
 autres que celui où son salon était ouvert à tout venant. Ils fai-
 saient presque tous les frais de l'entretien : théâtres, romans, litté-
  rature, voyages, poésie, musique, tout y passait. Pour Clotilde, Ã