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. LE MARIAGE DE SÉVERINE 21 coup, et d'être pour lui-même le plus sévère comme le plus impar- tial des censeurs. Il connut l'ivresse si douce de se voir peu à peu accueilli, recherché pour son propre mérite; mais il comprit en même temps que le monde ne lui rendrait pas tout ce qu'il lui ferait perdre, et au moment même où bien des portes se seraient ouvertes devant lui, ilqu' n'eût pas osé jadis espérer franchir, il prit la résolution de se consacrer d'une manière encore plus absolue à ses ses travaux. Ce n'est pas trop, se disait-il parfois, ce n'est pas trop d'une vie entière pour amener à bien une œuvre si minime qu'elle soit. Sa vie était donc fort retirée; heureux et tranquille dans un petit logement qu'il s'était arrangé non loin du Luxembourg, dans une rue paisible entourée de jardins, et qui avait fort bon air grâce à quelques bibelots, épaves de la splendeur du général, et à différents croquis ou ébauches, souvenirs d'amis en train de devenir célèbres, il y passait la meilleure partie du jour, travaillant lente - ment et délicieusement, cherchant à s'assimiler les maîtres an- ciens ou modernes, tout en s'attachant à ne point perdre son origi- nalité. Il ne voyait guère que Gaston Evrard. Gaston s'était marié à une jeune femme charmante qui du premier jour avait montré une vive sympathie pour Maurice et celui-ci, touché de l'accueil cordial de. Clotilde, lui avait voué un sincère attachement. Il passait presque toutes ses soirées chez les jeunes époux; cet intérieur charmant où il se sentait aimé et apprécié, où on prenait part à ses succès, où on l'encourageait dans ses heures de lassitude, lui tenait lieu de la famille qu'il n'avait plus, quand un événement cruel vint boule- versé cette douce existence : Gaston mourut un an à peine après son mariage, emporté par une courte maladie.