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22 LA REVUE LYONNAISE II Glotilde passa les six premiers mois de son deuil à la campagne, puis elle revint s'installer à Paris. Elle avait beaucoup réfléchi a la position toujours délicate d'une veuve, jeune comme elle était, et belle comme elle savait l'être, mais elle avait pris cependant la résolution de ne point songer à un second mariage; son bonheur avec Gaston avait été de ceux qu'on sait ne devoir retrouver jamais, aussi se résigna-t-elle, à l'âge où tout est encore espérance chez les autres, à vivre unique- ment de souvenir. Elle prit la résolution de n'admettre auprès d'elle qu'un cercle très restreint d'amis intimes. Maurice vint la voir un des premiers et fut reçu avec la bien- veillance d'autrefois. Connaissant l'isolement du jeune poète et la douce habitude qu'il s'était faite de trouver chez elle un visage souriant et une âme dévouée, elle prévint tous ses vœux en lui disant qu'il serait le bienvenu comme par le passé et que sa porte lui serait toujours ouverte. Ces petites entrées accordées à un jeune homme auraient pu paraître étranges de la part de tout autre femme, mais Mme Evrard était du nombre restreint de celles que le soupçon même n'ose effleurer. Du vivant de Gaston, Maurice, cœur loyal, n'avait vu qu'une amie, qu'une sœur dans Clotilde. Ses sentiments n'avaiont été mo- difiés en rien par le veuvage de la jeune femme, dont l'attitude franche et digne l'aurait fait d'ailleurs rentrer dans la réserve, s'il avait eu, avec le temps, l'idée d'en sortir. Aussi bien, le mo- ment était proche où ses visites devaient, sans qu'il s'en rendit peut-être bien compte, cesser à peu près de s'adresser à Clotilde. Parmi les quelques personnes qui allaient chez Mme Evrard se trouvait une de ses compagnes de couvent, de quatre ou cinq ans plus jeune qu'elle, MUe Séverine Lefort, fille du riche banquier de