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16                    LA REVUE LYONNAISE
le comte, il vécut à'sa guise, se partageant avec une égale sollici-
tude entreles jouissances de toutes sortes et le soin minutieux qu'il
mettait à ne rien négliger de ce qui pouvait lui être utile. Il aurait
même fini peut-être par oublier qu'il était-père si quelques per-
sonnes ne s'étaient crues obligées de lui demander de temps à autre
des nouvelles de Maurice, ce à quoi il répondait invariablement :
il va très bien, j'en suis fort satisfait; mon intention est qu'il entre
dans l'armée, le drôle, grâce à moi, n'aura qu'à s'y laisser vi-
vre..., etc., etc. .
   Cependant Maurice avait terminé ses études, et son père jugea
l'heure venue de l'instruire des projets qu'il avait sur lui; mais un
obstacle inattendu se présenta : le jeune homme qui n'avait jamais
vu, pour ainsi dire, M. d'Artannes s'inquiéter de ce qu'il faisait,
avait suivi son penchant pour la littérature et ne savait pas le pre-
mier mot de ce qu'il faut pour se présenter à Saint-Cyr. Le général
ne se déconcerta pas pour sipeu : tu n'as qu'à t'engager, lui dit-il,
avant peu tu auras l'épaulettë, et tu iras aussi vite que si tu sortais
de l'École ; j'en fais mon affaire.
   Maurice le remercia de sa bonté et lui avoua que, sans avoir en-
core d'idée bien arrêtée, il ne se sentait en tout cas aucune vo-
cation pour l'état militaire,: et il lui demanda la permission de
réfléchir tant soit peu sur le parti qu'il lui conviendrait d'adopter.
   « — Fais ce que tu voudras, mon cher, lui répondit M.d'Artannes
qui, égoiste et insouciant, avait horreur de la discussion, tu es
absolument libre ; je te préviens seulement qu'après moi tu ne dois
pas compter sur grand chose ; car je n'ai que la position, assez belle
du reste, quej'ai su me créer, et le bien de ta mère est fort minime. »
   Son fils le pria de ne se préoccuper de rien, et ce désir était trop
conforme au sien pour qu'il n'y obtempérât point immédiatement.
11 installa donc le jeune homme dans l'appartement qui lui était
destiné, lui tint compagnie pendant un jour ou deux, et s'em-
pressa de le mettre en possession de la "plus .entière liberté, de
peur d'aliéner la sienne.                  *
   Le professeur instruit, la famille élève ; c'est elle qui dans les
entretiens journaliers, dans les causeries du soir, écoute avecbien-
veilance et même encourage les questions de l'enfant; c'est grâce à
elle que sa jeune intelligence reçoit certaines impressions, certaines