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VICTOR HUGO 7 goûté, et là où avaient si souvent réussi un versificateur galant comme Quinault el un arrangeur adroit comme Scribe, le grand poète échoua lourdement. Ce même roman a fourni en 1850 à son beau-frère Paul Fou cher la matière d'un mélodrame, qui a été re- pris en 1879 sur une des scènes du boulevard. Après cette excur- tion passagère dans le domaine banal des librettistes, Hugo recou- vra ses forces en remettant le pied sur son terrain accoutumé par son drame en vers de Ruy Blas, joué en 1838 au théâtre de la Renaissance. Des musiciens distingués ont- emprunté depuis le canevas de cette pièce, qui, malgré les défauts habituels de l'au- teur, ne laissait pas d'offrir de sérieuses beautés. Frederick Lemaî- tre rendit admirablement, avec son talent déréglé mais puissant, le rôle de ce valet, amoureux d'une reine d'Espagne. Ceux de Marie de Neubourg, de don Sallustë de Bazan, le vindicatif gentilhomme, et de son fantastique cousin don César, ne furent pas moins applau- dis. La vogue de ce beau drame s'est renouvelée en 1872 à l'Odéon avec Geffroy, Lafontaine, Mélingue et Sarah Bernhardt, en 1878 et en 1879 avec la même actrice et Goquelin aîné à Paris et à Londres. Un dialogue vif et rapide, des tirades sonores, un certain intérêt, le quatrième acte qui, à lui seul, était une sorte d'inter- mède très spirituel et très plaisant, firent de cette pièce la plus complète peut-être des œuvres dramatiques de l'écrivain. En tout cas, ce fut l'avant-dernière de celles qu'il exhiba sur la scène ; car cinq ans après, en 1843, il prenait congé du public parisien par sa sombre trilogie des Burgraves, représentée au Théâtre-Français. En dépit du choix des meilleurs artistes, elle eut fort peu de sucées et fut écoutée impatiemment. C'est que cette légende germanique, puisée dans la période la plus obscure du moyen âge ; cette lutte des barons féodaux des bords du Rhin contre l'empereur d'Allemagne Frédéric Barberousse, supposé mort depuis longtemps et ressuscitant pour la circonstance ; ces détails de meurtres mystérieux et de vengeances rétrospectives, étaient de nature à provoquer l'ennui plutôt que l'admiration. Cette exhuma- tion ambiguë des terreurs de la tragédie d'Eschyle dépassa la juste mesure. De plus, décidément il y avait là trop de vieillards, calqués sur les types cornéliens de don Diègue etd.'Horace. On avai, écouté autrefois d'une oreille sympathique le vieux Ruy Gomez