page suivante »
— 278 — s'efforcent de trouver dans l'expérience les origines des phénomènes natu- rels. Arago lui-même disait : « Quiconque veut cesser d'être regardé comme un savant doit se mettre à prédire le temps »l,et il est curieux d'observer que deux savants éminents, et à l'esprit généralement très ouvert cependant, Biot et Regnault, ont élevé parfois d'étranges critiques sur les observations météorologique's et en ont totalement méconnu l'avenir et les applications2. Tous ces sarcasmes stériles — comme ceux d'aujourd'hui — devaient retarder une institution si désirable et il fallut attendre en 1878, après une vigoureuse campagne de Le Verrier, pour voir organiser la Météorologie en France. Les observations météorologiques sont, en apparence, très faciles : mais, si l'on veut conclure, on se heurte au contraire à de grandes difficultés, à des proverbes et dictons, à des préjugés et à des habitudes transmises de père en fils. D'ailleurs, la Météorologie est une Science toute récente dont la discipline n'est pas encore définitive : trompé, tout d'abord, par la facilité apparente des observations, puis, faute de ressources et pour aller au plus pressé, on s'est généralement borné, pendant longtemps, à relever les indi- cations des divers instruments, à accumuler en un mot les observations. Si l'on veut comparer tous ces documents pour en déduire quelques applica- tions générales, on se trouve, dès le début, en présence de problèmes déli- cats : il faut que les observations soient comparables, ce qui est déjà fort malaisé ; dans le cours des années, les instruments ont été changés, divers observateurs se sont succédé, les postes d'observations ont parfois été dé- placés, et un très léger changement dans la situation d'un instrument suffit pour en modifier les indications beaucoup plus qu'on ne pourrait se l'ima- giner a priori; il faut encore que les observations soient continues, et l'on a trop souvent d'irréparables lacunes à déplorer ; et cette régularité absolue 1. Etant donné la très haute situation scientifique occupée par Arago, rien ne fut plus néfaste que cette boutade ; je l'ai donnée avec la forme sous laquelle elle est très généralement rapportée, mais le texte exact, encore plus affirmatif et maladroit, est le suivant : « Jamais, quels que puissent être les pro- grès des Sciences, les savants de bonne foi et soucieux de leur réputation ne se hasarderont à prédire le temps ». (Annuaire du Bureau des Longitudes, 1846, p. 376). L'effet fut déplorable à l'étranger, aux yeux de qui nous adoptions une position ridicule, et cette phrase fut rapportée et commentée par Robert H. Scott dans une lecture fort intéressante sur les progrès de la prévision du temps (Institution royale de Grande-Bretagne, 14 février 1873). 2. Cf. Biot, Mélanges scientifiques et littéraires, t. III.