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près de s'entendre, bien sûr ! Platon voyait les choses du point de vue ma-
thématique, qui lui était familier, tandis qu'Aristote, friand de logique, avait
la prétention de laisser tomber à chaque pas une parole définitive...
Nous n'avons pas à élucider ici ce que serait devenue l'humanité si elle
avait suivi la voie d'un géomètre comme Platon. Nous nous en tiendrons
aux faits eux-mêmes. Or il est certain que le gros succès de librairie s'est
attaché à Aristote, pour en faire par répercussion un philosophe notoire :
pendant plus de vingt siècles les hommes de tous pays se sont attachés à le
comprendre, le discuter, l'interpréter, le commenter — et même le citer
sans l'avoir lu. Qui oserait supputer la pyramide immense que l'on eût pu
édifier avec tant d'écrits! En bref, l'humanité entière adora le verbe 1 et
s'enfonça de plus en plus dans le brouillard, loin des connaissances préci-
ses...
Puis, las des scandales de l'Olympe et désireux de simplifier ses offran-
des, l'homme renversa les dieux pour adopter le monothéisme, mais per-
sonne ne songea à charger quiconque de réorganiser la Météorologie, déjà si
mal en point comme nous venons de le voir : ce furent donc de longs siècles
de stagnation ténébreuse et désordonnée.
Quelques Italiens avaient bien remarqué que la nature a horreur du
vide mais il fallut attendre le XVIIe siècle pour que Torricelli invente la
pression atmosphérique et que Pascal la mesure : ce fut un éclair bref dans
la météorologie, qui retomba aussitôt dans les proverbes et dictons lunaires.
Un siècle et demi plus tard, deux savants éminents, Borda et Lavoi-
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sier , pressentirent le rôle immense que serait appelée à jouer la météoro-
logie et se préoccupèrent d'établir à travers le pays un réseau solide d'obser-
vations : ce projet si utile fut interrompu par la mort de Lavoisier. Hélas!
les disciples d'Aristote triomphaient encore avec les principes immortels
d'une philosophie qui explique toutes choses en égrenant des mots dans
l'éternité, et il était de bon ton de railler ceux qui, avec désintéressement,
i. L'ami éminent et érudit, dont j'aurai bientôt à invoquer l'opinion, m'affirme que bavard vient de
babax. Peut-être bien... Analogue à babils*.. Tout s'explique! Babil enfantin : pas même, car il est gentil.
Babil puéril, hélas !
3. Lavoisier fut un grand génie, utile et bon : ma conscience de critique historique me contraint à faire
cette déclaration, et je suis désolé de peiner de la sorte les bolchevistes abonnés à la Revue du Lyonnais, en
parlant avec révérence d'un épouvantable et ignoble fermier général.