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mais aussi pour votre sûreté. Combien nous aurions de chagrin, s'il vous
arrivait des malheurs qui sont inévitables où est le fléau de la guerre !
Hélas ! nous ne savons plus nous-mêmes si nous en serons exempts : les
choses s'embrouillent et si nous avons des traîtres dans ceux qui condui-
sent la barque, nous serons encore victimes. Les hommes et le courage
ne manquent pas ; mais la différence des partis inquiète, et ces gueux de
Carlistes sont si méchants que la France serait perdue s'ils triomphaient : ils
emploieront tous les moyens pour réussir, mais s'il plaît à Dieu, leurs pro-
jets ne seront pas exaucés et la cause de ceux qui ne demandent que la tran-
quillité et le bonheur du peuple sera protégée par la divine providence... ».
Julie terminait sa lettre en promettant à ses parents de les tenir au
courant des « circonstances qui se préparent ». Ses pressentiments ne la
trompaient pas, et quelques mois plus tard, elle pouvait adresser aux
siens le tragique récit des sanglantes journées de l'insurrection lyonnaise.
« Villefranche, 26 nov. 1831.
« Mes chers. Parents et Amis,
«... Je ne doute pas que vous ayez entendu parler du carnage affreux
qui s'est commis à Lyon. Je vais vous communiquer ce qu'il en est, quoi-
que nous ayons eu le grand bonheur d'être ni acteurs ni même specta-
teurs ; mais la quantité de personnes qui se sont sauvées de Lyon nous
en a assez dit pour être au courant de ce qui s'est passé. Dimanche soir,
20 courant, l'on nous dit que l'on se battait à Lyon, que les ouvriers qui
travaillaient sur les étoffes de soie, justement indignés que l'on ne veuille
pas rendre justice à leur demande qui est que l'on augmente leur façon
qui ne pouvait pas suffire à gagner seulement le pain qu'ils mangent,
s'étaient portés chez quelques négociants les plus durs ; que l'on avait
employé la rigueur pour les repousser, et qu'ils s'étaient portés à des excès
très condamnables. Ceci aurait été peu de chose, s'il ne s'était pas joint
à eux la plus vile canaille des forçats libérés, qui se sont trouvés au nom-
bre de 1.200 ; des brigands de toutes les villes environnantes et notam-
ment de la nôtre (Villefranche), la lie du peuple de tous les états se sont