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réunis aux malheureux ouvriers, ont commis en leur nom toutes les bar-
baries que l'on peut imaginer, jusqu'à , chose affreuse, jeter au Rhône ou
en Saône les pauvres blessés, soit soldats, soit gardes nationaux, dont ils
pouvaient s'emparer. Ils se sont portés chez un grand nombre de mar-
chands de soierie, ont tout pris, fabriques et autres et y mettaient le feu.
Tout homme bien mis était, quoique sans armes, assassiné dans les rues ;
ils ont dépavé plusieurs rues et avaient rempli les maisons de pierres
qu'ils jetaient des croisées sur les soldats. On ne pouvait s'empêcher de
pleurer quand on entendait ces détails. Enfin, ils ont fini par tout cul-
buter ce qui s'opposait à leur férocité. Ils se sont emparés de tous les
postes, la Maison de ville, l'arsenal, la poudrière, tout est tombé en leur
pouvoir. Nous avons vu revenir ici les débris de ces pauvres soldats dé-
sarmés et morts de faim ; il y en avait qu'il y avait trois jours qu'ils
n'avaient rien pris et qui ne s'étaient pas couchés.
« Enfin, quand ils ont été maîtres de la ville, ils ont établi un ordre
inouï ; dans ce moment, ils ne permettent plus aucun vol ; celui qui vole
la moindre chose, ils le fusillent ; les maisons qu'ils ont pillées, ils rap-
portent à la rue tout ce qu'ils avaient pris, l'argenterie et même l'argent...
Enfin, la tranquillité est rétablie, les magasins sont rouverts... Toute la
garde nationale est sur pied ; ils sont de garde tous les trois jours ; ils ar-
rêtent tous les voyageurs ; ils ont arrêté vendredi le comte de Damas qui
tenait quelques propos dans un café ; on a voulu savoir qui il était, on a
visité ses effets, et l'on a trouvé l'uniforme et tous les attributs d'un géné-
ral ; il allait à Lyon se mettre à la tête des révoltés, mais heureusement que
notre garde l'a arrêté et il est ici en prison. Jugez s'il avait pu se rendre
à Lyon comme il en avait l'intention, le courage que cela aurait donné Ã
ce monde qui bien sûrement, ayant un chef expérimenté se serait mis en
état de résister aux troupes qui marchent sur Lyon... Nous sommes très
inquiets de ce que cela deviendra ; je vous écrirai aussitôt que ce sera
terminé, mais en attendant, s'ils prennent envie de résister, nous ne serons
pas à noce à cause des troupes qui afflueront jusqu'ici...
« (Le lendemain). L'on commence à découvrir qu'il y avait une trame
affreuse là -dedans, et que ces Carlistes (partisans de Charles X) qui ne
craignent pas de sacrifier des villes entières pour arriver à leurs fins, il