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_ 52 — dessin ; un instrument, « dont le trait émanait directement du crayon du dessinateur » ; un artisan par conséquent, alors que le dessinateur était souvent, lui, un peintre et un artiste. Les choses ont-elles donc tant changé que cela doive nous surprendre ? Et puis, faisons à l'industrie cette conces- sion qu'il fallait bien au xylographe quelque talent pour conserver au bois toute la grâce, toute l'élégance, tout le génie que l'artiste mettait dans son dessin ! Nous sommes un peu après 1550, et c'est le moment où vint s'établir à Lyon un imprimeur parisien, graveur de lettres habile dont le passage chez nous, passage de courte durée, devait être marqué par une invention nota- ble ; je parle de Robert Granjon : certains l'ont prénommé Nicolas, c'est une erreur. Or, Granjon se dit un beau jour que l'on pourrait bien, peut-être, imprimer tout comme l'on écrit, et aussitôt il grava une lettre typographi- que exactement copiée sur l'écriture de son temps, pour mieux dire, sur sa propre écriture ; il appela ce caractère « lettre françoise d'art de main » et se fit octroyer, pour dix ans, un privilège qui, pensait-il, le garantirait contre les imitations. Il n'en fut rien ; cette lettre était belle, du moins elle plaisait par son originalité, on l'imita aussitôt ; et, comme on avait presque tout de suite imprimé avec cette lettre la Civilité honneste et puérile, on l'appela « caractère de civilité » et ce nom lui resta. Granjon avait épousé la fille de Bernard Salomon, ce Petit Bernard dont j'ai déjà parlé, et comme le Petit Bernard était le dessinateur en titre de Jean de Tournes, c'est Jean de Tournes qui, avec Granjon lui-même, utili- sa tout de suite et à peu près seul la « lettre d'art de main ». La première impression qui fut faite avec cette « lettre françoise » est le Dialogue de la Vie et de la Mort, de Ringhier. Imités à Paris par Danfrie et Breton (La Civile honesteté pour les enfans, Paris, 1559) ; imités dans les Pays-Bas par Aimé Tavernier (La Civilité puérile distribuée par petitz chapitres et sommaires) et par Plantin lui-même