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— 124 — L'ABBÉ JEAN-BAPTISTE MARTIN (COMMUNICATION FAITE A LA SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE PAR M. CHARDINY, PRÉSIDENT) C'est avec une douloureuse émotion que nous avons appris il y a quelques jours, en même temps, et la maladie et la mort si brusque de notre savant collègue, M. l'abbé Jean-Baptiste Martin, qui faisait depuis vingt-six ans partie de notre compagnie. M. l'abbéMartin, dont l'activité scientifique inlassable n'avait d'égal que l'inalté- rable charité envers les miséreux de toute catégorie, avait fait deux parts de sa vie si bien remplie : d'un côté le soulagement moral et matériel de la misère, de l'autre les travaux d'érudition et de bibliographie les plus absorbants, qui à eux seuls auraient pu remplir plusieurs vies. Pendant trente années, il a été un des collaborateurs les plus dévoués de l'œuvre admirable de l'abbé Rambaud, d'abord à la cité de l'Enfant Jésus, puis à la maison des vieillards de Vaise, où il est mort entouré de l'affection de tous les pauvres du quar- tier? qui lui ont fait le plus magnifique des cortèges. Son apostolat infatigable voulait mieux encore : il avait une prédilection particu- lière pour les pires misères : criminels sortis de prison, enfants évadés des bouges, bohémiens en rupture de ban, tous trouvaient auprès de lui l'accueil le plus bienveil- lant, la parole qui réconforte, le conseil qui ramène ou retient sur la pente du vice. Ainsi que l'a dit dans un article récent notre ancien président, M. Bûche, Dieu seul sait les âmes terribles qui se sont ouvertes à lui, et qu'il a pacifiées en les sauvant du crime. Dans les bas fonds de notre société, en apparence brillante, mais où grouillent tant de haines féroces, il aura été l'apôtre pacificateur, sachant montrer, dans les espéran- ces de l'au-delà , la revanche des désillusions et des sauvages rancunes d'ici-bas. Pour accomplir cette œuvre chrétienne et sociale, il savait, si je puis ainsi m'exprimer, se mettre au niveau de ceux qu'il aimait de toute son âme : son accueil simple, sa soutane cent fois tachée et vingt fois rapiécée, sa pèlerine de bure roussie attiraient et rete- naient. Le grand saint Martin, son homonyme, donnait la moitié de son manteau; l'abbé Martin le donnait tout entier. Quant à son œuvre d'archiviste, d'érudit et de bibliographe, elle est considérable et de premier ordre. Tout jeune encore, et alors qu'il était déjà professeur à l'école de théologie de Paris, il avait publié, en 1888 et 1889, dans la Revue asiatique, deux études de cent cinquante pages, sur « l'Hexameron de Jacques d'Edesse », d'après un manuscrit