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 Lyon en juin de la même année. Aimé Vingtrinier, accouru aux Gloriettes à la pre-
mière nouvelle de son retour, demandait à son ami ce qu'il avait écrit là-bas, pendant
ces deux années d'absence, et Soulary lui répondait, rappelant le jugement sévère que
 Jules Lemaître avait porté sur son œuvre : « Ecrire S'A quoi bon { Tu sais bien que je
ne sais faire ni la prose ni les vers... Je suis fini. Lemaître m'a tué ». z9
      Adèle Souchier, à qui Vingtrinier avait dû rapporter ce propos de leur ami, tenta
d'adoucir un peu l'amertume de son « cher poète » qu'une critique vieille de cinq ans
et souvent injuste affectait encore si cruellement. Soulary lui répondait, le 13 novem-
bre :
      « Il m'est arrivé, en effet, de déplorer l'inqualifiable méchanceté de Jules Lemaî-
tre à mon égard, et c'est à juste titre que je l'ai accusé de m'avoir tué, parce que j'ai
rompu, depuis son venimeux article sur moi, tout commerce avec la poésie. Vous avez
la générosité de nier que cet article ait influé sur la situation que j'avais prise dans les
Lettres françaises ; tenez pour certain que tous mes confrères les sonneurs de sonnets ont
été enchantés de mon éreintement. Ce serait mal connaître les chers confrères que de les
supposer, en pareille circonstance, disposés à prendre fait et cause pour l'éreinté.
C'est humain cela ».
      Le 4 mars 1891, Soulary, gravement malade, écrivait encore ses affectueuses
condoléances à Mlle Souchier qui venait de perdre une sœur. Ce fut sa dernière lettre
à cette amie dont l'amitié datait de plus de vingt ans ; il mourut, aux Gloriettes, le
28 du même mois, à dix heures et demie du matin.
                                                                                           Eug. VIAL.




      19. A. Vingtrinier, A la mémoire de Soulary, p. 139. L'article de Jules Lemaître « Poètes contemporains.
M. Joséphin Soulary », avait paru dans la Revue Bleue, alors Revue politique et littéraire, du 17 janvier 1885
n° 3. L'auteur reproche surtout à l'œuvre de Soulary d'être toujours d'un « provincial » et souvent d'un
« concertiste ». Il s'attaque avec une extrême sévérité au sonnet les Deux cortèges, qu'il analyse presque mot
par mot. « Je cherche, dit-il, les côtés faibles de M. Soulary, non pour le diminuer mais pour le définir plus
sûrement ». Il conclut ainsi : « Il se pourrait bien qu'il fût le roi des poetœ minores. Et n'allez pas croire que ce
soit peu de chose ».