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                   POÉTIQUES CONTEMPORAINES                       25 I

  Les vers suivants ne sont-ils pas bien agréables en dépit
de l'hiatus qu'on y rencontre :
        Rien n'est charmant le soir, rien n'est doux à entendre
        Comme le chant d'un pâtre au milieu des troupeaux?

   Il n'en serait pas de même dans cette phrase : Il aime à
Attendre. De là, je le répète, la nécessité, quand on emploie
l'hiatus de s'en servir avec circonspection, et de veiller avec
soin à l'union euphonique des voyelles afin d'éviter un
heurt de sons désagréables à l'ouïe. Pourquoi ne pas revenir
à une pratique dont usèrent, sans du reste en abuser, les
Maîtres du xvi e siècle ?
    La troisième réforme proposée par Adolphe Boschot com-
prend la licence de rimer parfois non tour l'Å“il mais pour
 l'oreille. Cette dernière proposition sera, je crois, plus diffi-
cilement adoptée. Et pourtant combien sa réalisation n'ap-
porterait-elle pas de rimes nouvelles, de rimes toutes
 « jeunes, fraîches et vierges », selon l'expression de Bos-
chot! Renouveler les rimes, en augmenter le nombre:
quelle aubaine pour les poètes! Pourquoi prohiber l'emploi,
dans certaines occasions, d'un singulier et d'un pluriel ?
L'usage judicieux de semblables rimes peut seconder fort
à propos l'inspiration et servir à son essor, n'en déplaise aux
érudits. L'un d'eux a dit cependant : « J'accepte très bien
qu'on rime uniquement pour l'oreille, et la fameuse « phy-
sionomie des mots » est une chose où je donne peu; mais
je veux que l'oreille soit véritablement satisfaite ( i ) . » Ce
qui arriverait, par exemple, en faisant rimer Shakspeare et
expirent, glisse et bleuissent, dorment et Normes.



  (i) Emile Faguet, Revue Bleue, 18 mai 1901.