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25O CONSIDÉRATIONS SUR QUELQUES ECOLES minutie exagérée de régents du Parnasse, ont prohibé l'hia- tus qu'on doit le rejeter. Il ne s'agit pas, sans doute, de l'employer à tout coup, mais encore faut-il qu'on en ait, le cas échéant, la possibilité. D'ailleurs, tout prescripteurs de l'hiatus qu'ils furent, Malherbe et Boileau en usèrent, sans s'en rendre compte : Prends ta foudre, Louis et va comme un lion... (Malherbe) Si l'œil ne voit pas ici d'hiatus, l'oreille en perçoit cer- tainement un. Et l'on pourrait, à cet égard, multiplier les exemples. Ceux-ci, entre autres : Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant... Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage... (Boileau) Nous ne disons pas, explique à cet égard Boschot, nous ne disons pas : « Malherbe et Boileau ont écrit des hiatus, nous pouvons donc en écrire ». Nous disons : « Dans les vers de ces classiques notre oreille aujourd'hui perçoit des hiatus ». Et plus loin, il ajoute : « L'hiatus, pas plus « qu'aucune autre chose en prosodie, ne saurait être défini « par les signes graphiques. L'oreille perçoit l'hiatus, « quand le son qui termine un mot rencontre le son qui « commence le mot suivant sans qu'une consonne ou une « /;. aspirée soit perçue entre ces deux sons. La ren- « contre de ces deux sons peut être agréable à l'oreille ou « désagréable : l'oreille est seul juge. » On n'emploiera donc pas toutes sortes d'hiatus, mais seulement ceux dont la rencontre demeure douce à l'oreille. « J'accepte l'hiatus, dit M. Faguet, à condition qu'on ne le chérisse et poursuive point comme une beauté. » On ne réclame rien de tel ici, mais la simple possibilité d'en user, ce qui est fort différent.