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322 JOANNY DOMER de la Dombes. Deux sculpteurs nous sont également enlevés : Pagny, l'auteur du monument si nerveux des « Légions du Rhône », Arthur de Gravillon, l'inimitable fantaisiste, aux hardiesses étonnantes, qui maniait la plume avec la même originalité frondeuse que le marteau; plus récemment c'est Carrand qui meurt, le vieux Carrand, presque oublié, hélas! de la jeune génération, qui avait toujours vécu seul, à l'écart, sans concessions, n'entendant rien des bruits du monde et des écoles, lui qui avait surpris si bien le charme des vibrations intenses, qui donnait à ses petites toiles des aspects d'immensité. Pierre Salle suivait de quelques jours Carrand dans la tombe; encore un travailleur sincère, ne sacrifiant rien à la mode, mettant dans son œuvre toute son âme, qui semblait toujours, comme ses toiles, enveloppée d'un voile de tristesse. Mais il est un autre maître, que la mort nous a ravi, il y a quatre ans, un grand artiste dans l'art de la décoration comme Puvis de Chavanne, admirable comme lui par la haute sérénité de sa vie écoulée, à l'écart, loin du tumulte et des passions déchaînées de notre temps ; j'ai nommé Joanny Domer. Quel homme fut plus simple ? Quel talent fut plus modeste ? Car on peut affirmer que Domer fut un grand artiste, à qui il ne manqua que la consécration d'une gloire tapageuse qu'il fuyait, préférant sa vie paisible à Lyon aux tracas, aux déboires, aux jalousies, qui, peut-être, l'eussent attendu à Paris, s'il avait voulu répondre aux appels de ses amis. Dieu sait, en effet, s'il fut assez sollicité d'aller récla- mer à la capitale l'apothéose que lui prédisaient ceux qui, passés maîtres dans le grand art, avaient reconnu depuis longtemps un maître dans notre compatriote ; et Chenavard