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\ A L'ORDRE'DU JOUR 40' lieutenant Berruet retentit de nouveau : — A droite et a gauche, alignement. Rompe^ les rangs. Marche! • Comnie des écoliers à leur sortie du collège, aussitôt hors des rangs, les Mobiles s'élancèrent à pleine envolée de tous les côtés, criant, chantant, faisant sauter en l'air les képis et même les fusils: la joie était intense. Les Mobiles du Rhône à l'ordre du jour ! c'était la gloire, c'était l'admiration de leurs concitoyens, c'étaient les illumi- nations qui allaient scintiller aux fenêtres, aux balcons, aux croisées des mansardes de cette bonne ville de Lyon. Âh ! comme on aurait voulu être dans ce cher pays natal, pour voir la joie des parents, pour jouir du plaisir des amis! Il y en avait bien pourtant de ces braves Lyonnais qui' devaient pleurer; des parents, de pauvres mères qui de- vaient, maudire cette joie, car il en était resté des cama- rades sur les routes et les chemins de Roppe et d'Eloye, sur la mousse des sentiers de la forêt de l'Arsot, couchés immo- biles dans la mort, auréolés de leur sang ! Mais qui donc à cette heure, dans les rangs des Mobiles du Rhône y son- geait ? Qui donc pensait que si la gloire du soldat victo- rieux est belle, les gémissements des malheureux blessés, les lamentations de la pauvre mère devant le blanc suaire de son enfant, les pleurs de la triste fiancée en face de son amour à jamais brisé, sont épouvantables? Combien se souvenaient du malheur et de la tristesse dans ce jour tout d'honneur, d'allégresse et d'orgueil patriotique ? On causait de nos deux journées de combats ; mais c'était uniquement pour se remémorer les faits qui les avaient remplies, faits passés inaperçus pour nous, simples soldats, au moment de l'action, mais que nous avions appris peu à peu, dans la suite, soit par les rapports officiels soit par les" conversations que nous avions eues, les uns et les autres^ N° 6. — Décembre 1899. ~ 20 *