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380               INAUGURATION DU MONUMENT

La réponse est facile : il vient de France. Sa voix, pareille au réveil de
l'alouette, monte au ciel gaulois pour saluer le jour.
   Art mystérieux dans sa candeur, double génie de musicien et de
poète dont le secret ne se peut surprendre. Où cet ignorant avait-il appris
la science complexe d'assembler les mots ? Qui avait enseigné la musi-
que 'à ce chantre divin ? La musique ! où les oiseaux l'apprennent-ils ?
Pierre Dupont, semblable à son gardeur d'oies, n'achetait point d'ins-
truments chez le luthier, il se contentait du bosquet voisin :

                       Je taillais comme je voulais
                       Dans les avoines des musettes
                       Et clans les saules des sifflets.


  Comme leçon de fugue et de contre-point, il écoutait bruire autour
de lui la fête universelle, il notait les soupirs du matin, le frisson des
aulnes, le grondement des hêtres, les mille accords de l'orchestre du
soir.
   Fils de la nature et de la pauvreté, il a chanté sous leur dictée, sans
rien changer à ce que lui soufflaient ses inspiratrices. C'est pour cela
qu'on l'écoutera toujours.
   Parfois, dans la splendeur de l'aube, on croirait voir trembler au
bord des feuilles des diamants plus beaux que ceux des féeries ; on dé-
couvre en approchant que ce sont de simples gouttes d'eau qu'un rayon
traverse. L'œuvré de notre Pierre Dupont, c'est, parmi les frondaisons
du vieux chêne druidique, une larme de rosée matinale qui scintille au
soleil de France. •
   Soyez remerciés, vous tous qui êtes venus ici pour honorer cette
douce mémoire. Vous donnez à nos cœurs et à nos esprits la meilleure
des fêtes. Il est des heures délicieusement solennelles, où les batailles
s'interrompent, où les haines font trêve. Heures d'apaisement et de
réconfort, hélas ! trop brèves et trop peu fréquentes. Grâce à vous,
Messieurs, nous faisons une de ces haltes bienfaisantes. C'est le privi-
lège de la lyre d'imposer silence aux voix de discorde et de pacifier les
colères. Que Lyon garde sa parure de fête. Elle a voulu se faire sou-
riante et belle pour l'apothéose de son chanteur. Après tant d'épreuves,
après un peu d'oubli, après de cruels départs, un de ses plus illustres
enfants lui est rendu. Elle lui ouvre éperdument les bras : elle couronne
du laurier immortel ce front ravagé qu'a baisé la gloire, elle caresse