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DU CHANCELIER MICHEL DE L ' H O P I T A L 27 Horace pour l'harmonie et la chaleur de sa diction, Mainte- nons les distances. Précisément le Voyage à Nice permet de comparer sa manière avec celle d'Horace, dont le Voyage à Brindes ( i ) a peut-être suggéré à l'Hôpital l'idée de son récit : nous sommes bien loin de la légèreté et de l'esprit de l'aimable poète romain. Le débat qui s'élève à Lyon entre Dorsenne et son compagnon semblera long et pédant, nous le craignons, si on le rapproche de la dispute du bouffon Sarmentus et de Messius Cicirrus dans le Voyage à Brindes. On peut dire aussi que, dans les poésies latines de l'Hôpital, le mot manque souvent de précision topique, ce qui rend malaisée une traduction exacte. Un autre défaut tient à l'excès même de la culture classi- que. L'Hôpital s'est fait, par l'étude assidue des œuvres de l'antiquité, une âme romaine à ce point qu'une mythologie surannée déborde de ses vers. Les savants de ce siècle avaient deux religions : celle de leur croyance et de leur vie, et celle de leur imagination littéraire. L'Hôpital, sincè- rement chrétien, n'hésitera pas un instant à nous parler du Destin, des dieux ; et, à propos de deux ou trois papes morts en peu d'années, il écrira que « les Parques ont accumulé deuil sur deuil ». Le goût et l'admiration de l'antiquité s'annonce encore, cette fois avec plus de bonheur, par la description des ouvrages romains que l'Hôpital rencontre sur sa route; il s'étend sur ce sujet avec une prédilection marquée, et cela nous a valu des renseignements qui ne sont pas sans prix. Du reste, on remarquera dans cette pièce des souvenirs historiques, des observations, des réflexions morales, des anecdotes, des scènes amusantes. (1) Satires, I, 5.