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484 LA DEUXIÈME ÉDITION Il y a aussi une face de l'esprit de M. Tisseur, sur laquelle il faut insister. Je veux parler de ce que M. Renou- vier appelle « le génie mythologique », une science de l'abstrait, un art du précis qui fait de beaucoup de ses poèmes des modèles d'induction. Chez lui, pas de ces vices de méthode dégénérant en tours de force, pas de ces exercices d'acrobatie littéraire engendrant la futilité, pas d'ignorance ni d'absurdité, mais un élan singulier vers le parfait, le sublime et ie gracieux, vers ce qu'un philosophe allemand appelle « la plastique interne ». Et notez bien que M. Tisseur ne fait pas du style pour le plaisir d'en faire. Ce n'est pas lui qui eût dit comme Hugo : « L'avenir, est aux hommes de style. » Il dirait plutôt « L'avenir est aux hommes de pensée » et il aurait raison. Car, pour qu'une oeuvre dure, ait une portée véritable, produise une influence profonde, qui ne comprend qu'elle doit surtout et avant tout tendre à une expression doctrinale constante, je veux dire à la réalisation d'un système intellectuel qui satisfasse la pensée avant de satisfaire le goût, ou qui du moins les satisfasse à un égal degré ? M. Renouvier a écrit à la fin de son volume sur Victor Hugo (26), tout un chapitre où il étudie l'homme dans le poêle. Il y établit d'une façon remar- quable, je ne dirai pas seulement la genèse esthétique de Hugo, mais, selon moi, celle de tout poète. Je serais tenté d'appliquer tnutatis mutandis à M. Tisseur, ce que l'émi— nent philosophe dit du don de poésie, de Y émotion artistique, des procédés animiques de l'auteur des Contemplations. Je serais tenté aussi de louer M. Tisseur d'avoir évité le grave écueil du kantisme, c'est-à -dire le mépris de l'in- connu, et de n'en avoir accepté que les côtés généreux, par (26) Armand Colin. Paris.