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320                     EUGÈNE LE MOUEL



                                 II

   Il faudrait citer en entier les Bonnes gens de Bretagne (2),
tant ce volume contient d'exquises choses. Falaises battues
parles flots, varechs dont la saine senteur fortifie, solennelle
tristesse des landes :

         La lande a des frissons à l'heure où la nuit tombe,
         Le vent passe en sifflant par dessus les fossés,
         Et, là-bas, un menhir, plus triste qu'une tombe,
         Debout dans les genêts, rêve des temps passés,

 se succèdent dans les vers de M. Le Mouël en panoramas
 grandioses.
    Et quels tableaux émouvants il nous retrace des pêcheurs et
 des artisans bretons — car notre poète aime les humbles et
 leur naïveté de cœur. Il y a surtout une Ballade de la Fileuse
 et un récit intitulé le Père Jean qui sont de purs chefs-
 d'Å“uvre et que je regrette de ne pouvoir reproduire ici.
 D'ailleurs dans tout ce volume, abondent les pittoresques
 descriptions. M. Le Mouël connaît bien sa Bretagne. Il en
 aime les mélancoliques horizons, les ciels bas et gris, les
 calvaires aux. croisées des chemins et les clochers à jour,
 rongés par le lichen dont Loti nous parla si bien dans Mon
frère Yves. Il en aime les menhirs, les dolmens, les supersti-
 tions et les récits étranges que les vieilles femmes content
 à la veillée devant lJâtre à moitié éteint où dansent les follets
 de l'ombre.
    Hélas ! que ne puis-je exprimer, comme je le voudrais,


  (2) Paris, Lemerre, 1887.