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12 L'ÉCOLE LYONNAISE L'ÉCOLE LYONNAISE « Le propre des beaux livres est de conduire au loin les rêves. C'est leur façon de se défendre contre nos curiosités que de nous égarer ainsi, page par page, à l'infini. De là vient-il qu'on ne les puisse achever de longtemps. J'ai reçu un livre de M. Clair Tisseur et je n'ose prévoir quand j'en verrai la fin, tant j'y suis entraîné à sauter d'une idée à l'autre. Pourtant ce livre traite d'une question aimée, de l'art des vers. Je devrais me sentir tout feu et tout passion pour ou contre les théories exposées par M. Tisseur. Il n'en est rien. C'est à M. Tisseur lui-même, plutôt qu'à son enseignement, que je préfère m'attarder et c'est à lui que je rapporte les rêveries de sympathie ou de dissentiment qui ne manquent point d'agiter ma lecture : je repasse dans mon esprit qui il est, quelle est sa famille, de quelle race d'hommes il sort et de quelle patrie. « C'est un point dont M. Tisseur ne fait aucun mystère. Ses discours, qui rappellent, par le laisser aller, la grâce fine et libre des Menus propos de Toppfer, nous le livrent dans l'intime secret de la vie. M. Tisseur ressemble à ces voyageurs homériques qui, sur le seuil hospitalier, décli- naient leur nom et celui de leur père non sans fleurir d'une louange celui de leur pays. Peut-être que M. Tis- seur y ajoute une note de civisme farouche. Il semble à chaque instant remercier les dieux qui l'ont fait homme et non point femme, poète et non point épicier, Lyonnais et non point barbare, de la famille des Tisseur et non