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R0UMAN1LLE ET LE FÉLIBRIGE 335 L'on sait que le mot « Félibre » est un mot d'origine incertaine qui veut dire sage, savant. « Le but des Félibres, dit M. Henry Fouquier, était « d'encourager les poètes et les conteurs qui se servaient « de la langue provençale, célébraient les souvenirs histo- « riques du pays, en disaient les mœurs; les Félibres « voulaient aussi leur donner un instrument parfait en « épurant le parler vulgaire, en restituant la langue origi- « nelle; ils ont accompli là un travail de bénédictins. Le « provençal aujourd'hui est une langue complète, épurée, « enrichie, ayant sa syntaxe fixée (3). Je ne m'arrêterai pas à l'accusation de séparatisme lancée contre cette inoffensive association littéraire. On a été jusqu'à prétendre que les Félibres tendaient de toutes leurs forces à l'autonomie provinciale. Pauvre cher Rou- manille ! Lui prêter un pareil dessein, c'était dénaturer étrangement son œuvre de rénovation linguistique. Il a, d'ailleurs, tout comme ses frères, prouvé qu'il aimait « la France plus que tout », selon la belle expression de Félix Gras. La vérité est que les Provençaux veulent être devenus Français, non par la conquête, mais par la libre volonté ; ils veulent, comme dit encore Henry Fouquier, « avoir fait un mariage d'amour ». De grâce, ajoutent-ils, ne nous faites pas croire au proverbe : Mariage d'amour, une bonne nuit et de mauvais jours ! D'ailleurs, deux langues parallèles, français et provençal, peuvent très bien vivre à côté, parlées et écrites souvent par le même homme. Daudet, Paul Arène, Ch. Maurras, (3) Cf. Figaro, 30 mai 1891.