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EN OISANS . 133 est en tête, mon frère vient après, Turc troisième, moi et Roderon. Les conversations se résument ainsi : « — Ne bougez pas... je monte... « — Je tiens bon. Allez-y... ça y est-il ? « — ... Non... pas encore... attendez... là , çà y est. « — Vous tenez bien ? « — Oui ! « — Je monte. Attention. « — Oui, montez, je suis solide. » Et lorsque l'ami Turc, ancré sur ses talons ferrés, son formidable piolet scellé dans une fente, avait dit : « Je suis solide, allez-y; quand je vous tiens je vous tiens bien ! » Alors rien n'aurait pu le déloger, le déraciner, quand même, selon son expression, il aurait eu au bout de sa corde toute la commune de Saint-Christophe. Tantôt nous rampons sur des corniches, à peine de la largeur de la main, tantôt nous nous hissons à la force du poignet sur des parois absolument perpendiculaires ; on franchit sur les genoux des dalles inclinées et polies où.l'on ne tient que par la paume de la main ; enfin de temps à autre, on trouve une place convenable, large d'un demi- mètre, pour reprendre haleine. Tout cela semble bien extraordinaire à ceux qui n'ont pas pratiqué ce genre d'ascension. Beaucoup même n'hé- sitent pas à taxer d'exagération de tels récits. Eh bien ! moi aussi, avant de faire la Meije, j'avais lu des descriptions analogues, des escalades à l'aiguille d'Arves, au Dru... dans lesquelles il était question « d'aspérités qu'on ne peut « saisir qu'avec la première phalange et où le bord du « soulier a peine à mordre », et je pensais : évidemment c'est une manière dédire; il n'est pas possible de se tenir