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PROMENADE AU SALON 297 sont presque impossibles, parce que le nu aujourd'hui n'existe plus. Vos modèles « déshabillés » ne peuvent pas vous en donner une idée juste. La nudité, même partielle, de l'antiquité était plus difficile à porter que le plus com- pliqué de nos costumes, et nul modèle ne vous traduira la nudité insouciante et chaste de l'Ajax ou de la Vénus de Milo. La Frédégonde (18), de M. Louis Appian, est un gros morceau, trop gros pour le pinceau « flâneur » et fantai- siste de l'auteur; je ne parle pas de son crayon, qu'il doit oublier le plus souvent. C'est une Frédégonde d'opéra, et comme facture, c'est peint pour être vu à distance. Prenez un verre plus petit, Monsieur Appian, rincez-le bien et buvez dans votre verre. Quant à la médaille que le jury vous a décernée, dites-vous que « la croix de ma mère » n'est pas le privilège exclusif des héroïnes du drame. Dans la vie réelle, plus d'un fils porte la croix ou la médaille de son père. Une récompense mieux justifiée est celle qu'un vote général a conférée à M. Barriot. La grande médaille s'adresse plus à l'artiste qu'à l'œuvre exposée, mais l'envoi qu'il a fait, cette année, Aux Champs (47), suffirait encore à expliquer la récompense. M. Barriot est un conscien- cieux ; ses plein air sont sincères et ses paysages sont rendus avec une poésie de sentiment qui n'exclut pas la fermeté de la main. Ce sont les figures qui appelleraient un peu plus de vérité. Les deux paysans ont le défaut d'évoquer l'idée d'un groupe, habilement placé devant le trou du souffleur pour faire face au public et chanter un duo. A part cet effet de mise en scène, le dessin est bon, le coloris sobre et l'im- pression générale satisfaisante. Je lui chercherai seulement