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388 LAMARTINE les supposant exprimées par des paroles, ne suppléent pas, ne satisfont pas aux nuances infinies du sentiment... Lamartine a dit admirablement ; Assis aux bords déserts des lacs mélancoliques... Il n'y a pas de lac bleu qui équivaille à cela ». Dans la Chute d'un Ange, il n'y a plus de lacs mélancoliques, depuis plu- sieurs années Lamartine avait appris de Victor Hugo à les voir seulement bleus. Les Recueillements poétiques parurent peu de mois après la Chute d'un Ange, en décembre 1838; ils n'y eurent pas grand'peine, car pour la seconde fois le poète se contentait de vider son tiroir. Seulement, cette fois-ci, le tiroir ne contenait plus rien, j'entends plus rien qui fût digne de voir le jour. Il arrive aux hommes qui ont l'imagination poétique de griffonner à tout propos des ébauches de vers, épitres familières, réflexions, compliments, couplets de circons- tance ; d'ordinaire ils les cachent soigneusement; c'est ce que Lamartine publia. Pour en faire un volume, il y adjoi- gnit quelques pièces plus longues, trop longues, comme tout ce qu'il composait depuis les Méditations, qui accrurent les dimensions du volume sans accroître sa valeur. La seule chose qui fût digne de remarque dans le nouveau recueil était une lettre, naturellement fort longue aussi, qui. lui servait de préface. Ce n'était point la première préface imprudente et inquiétante que Lamartine eût écrite. Il en avait fait une en 1834, pour une nouvelle édition de toutes ses oeuvres, où il annonçait avec quelque timidité encore, (c'était au lendemain de son élection à la Chambre des députés,) que « la politique allait l'enlever à la poésie pour deux ou trois ans tout au plus. » En 1836, il ne s'excusait déjà plus, il