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LAMAKTiNE 387 ruais indigestaque moles. Au fait, c'est presque ce chaos lui- même que le poète avait la prétention de dépeindre. Il a pris les premiers versets du chapitre VI de la Genèse : Cumque cœpissent homines mulliplicari super terram, et filias procréassent, videntesfiliiDei filias hominum quod essent pulchra, acceperunt sibi uxores ex omnibus quas elegerant... Gigantes autem erant super terram in diebus illis ( 6 ) ; et il leur a donné une glose de sa façon. C'est-à -dire que de l'aventure d'un de ces filii \Dei, d'un ange, comme il l'appelle, qui renonce à sa condition de personnage céleste pour devenir l'époux d'une de ces filles des hommes, il a fait une histoire d'amour. Voyez-vous le gracieux poète se débattant au milieu de ce monde gigantesque qu'il essaie de créer, épuisant sa facilité à imaginer des choses énormes, mons- trueuses, des combats antédiluviens dans lesquels un géant défonce d'un coup de tête la poitrine de son adversaire, employant en un mot ses doigts de joueur de luth à entasser le Pélion sur l'Ossa, à l'instar de ses héros ? Je ne dirai rien de plus de la Chute d'un Ange. J'ajouterai seulement que Terreur du poète s'est étendue jusqu'au style, qui est devenu en quelque sorte matériel. Sainte- Beuve avait signalé dès Jocelyn cette tendance chez Lamartine. Le sûr critique déclarait avec raison qu'il pré- férait parfois un vers métaphysique à une image matérielle trop particularisée. « L'épithète qui semble propre et qui n'est que pittoresque, disait-il, ne remplace pas toujours l'épithète métaphysique ; toutes les nuances du prisme, en (6) Comme les hommes avaient commencé de se multiplier sur la terre,et qu'ils avaient engendré des filles, lesfilsde Dieu,voyant qu'elles étaientbelles en choisirent quelques-unes pour épouses... Or, en ces temps-là , des géants étaient sur la terre...