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LAMARTINE 386 pas, le bon helléniste, l'infirmité pour ainsi dire constitu- tionnelle du génie de Lamartine, et que le poète de Jocelyn était incapable du travail de la lime, comme il l'avouait, d'ailleurs. Lamartine avait le don de l'image brillante, facile, abon- dante, se développant aisément en un style ample et grandiose : il lui manquait de sentir la précision et la vigueur de l'expression, Il ignorait l'art, ou plutôt le souci de remplacer une expression flottante par le mot juste dont parle La Bruyère. Avec une langue telle que le français, ce mot ne fait jamais défaut, mais encore faut-il qu'on le cherche. Lamartine ne le cherchait jamais. C'est en partie à cette cause qu'il faut attribuer la fatigue qu'on éprouve invinciblement à lire ses beaux vers. La formule, quel- quefois tout à fait insuffisante, est au moins toujours molle, et cela entraîne le poète à des répétitions fastidieuses. Quand on parle dans l'à -peu-près, on se répète sans en avoir l'air, peut-être sans s'en apercevoir, mais non sans devenir ennuyeux. Et c'est encore à ce laisser-aller de l'ex- pression, lequel permet d'écrire indéfiniment sans se lasser, que Lamartine a dû le défaut qui dépare toutes ses œuvres, celui auquel je suis revenu à propos de chacune d'elles, celui auquel on revient malgré soi quand on veut parler sincèrement de lui, ce défaut pour lequel je laisserai échapper ici un barbarisme qui est depuis vingt pages au bout de ma plume, l'intarissabilité. J'ai dit que la Chute d'un Ange ne comprenait pas moins de quinze Visions : elle parut au mois de mai de l'année 1838. Qu'on ne s'effraie point, je n'analyserai pas ce poème, qui ne mérite point d'être analysé. Mais j'en aurai donné une idée exacte, quand je lui aurai appliqué la formule dans laquelle Ovide a résumé le chaos initial du monde :