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                             LAMARTINE                              377

distinguait. Lamartine, comme beaucoup de grands auteurs
qui ne savent pas estimer assez les inspirations de leur
vingtième année, auxquelles le public demeure fidèle malgré
eux, eût évidemment fait bon marché de tout ce qu'il avait
produit, en comparaison de ce qu'il allait produire. Il ne
méditait rien moins qu'une épopée gigantesque, déme-
surée, qui, embrassant la durée entière du monde, présen-
terait l'humanité à chacun de ses âges, et formerait du
tout un tableau immense et complet. A l'instar de ces
constructions cyclopéennes dont chaque moellon a les
proportions d'un édifice, chacun des chants de ce poème
devait être lui-même un poème entier. Nous en pouvons
juger, carnous en avons deux : le premier de tous, la Chute
d'un Ange, qui correspond aux temps préhistoriques, et le
dernier, Jocelyn, dont la fable prend fin le 28 décembre
1803 (1). Or, Jocelyn, épisode, est en neuf Époques, et
la Chute d'un Ange, également épisode, ne comprend pas
moins de quinze Visions. C'est ainsi que le poète désigne
ce qu'on appelait autrefois des chants.
   Mais avant d'en venir à cette exécution, même partielle,
de son plan, Lamartine commença par publier le journal de
son voyage. Quatre forts volumes de Souvenirs, impressions,
pensées et paysages pendant un voyage en Orient parurent en
 1835. En cela encore, il ne faisait qu'imiter Chateaubriand,
qui avait, lui aussi, du cahier des notes destinées aux
Martyrs, fait ¥ Itinéraire de Paris a Jérusalem. Mais tandis
que Chateaubriand, avec la rare conscience d'artiste qui le
distinguait, avait pris soin d'en composer d'abord un livre,
tandis que ses notes étaient vraiment les notes d'un voya-


  (1) Le titre du poème qui devait faire suite à la Chute d'un Ange était
choisi : les Pêcheurs, mais le poème ne fut pas même commencé.