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328 LAMARTINE de l'âme ailleurs que dans les livres chrétiens, il faut pousser jusqu'à Lamartine. Lamartine, d'ailleurs, était un pur disciple de Rousseau. Sa mère, personne fort distinguée, à laquelle il ressemblait beaucoup, avait été élevée auprès de Mme de Genlis et profondément imbue des doctrines de philosophe genevois. Sainte-Beuve, toujours au courant du tout, et toujours exact, a dit sans insister assez, mais d'un ton singulièrement net : « Rousseau, je le sais, agit très puissamment sur Lamartine (4). » Quoi qu'il en soit, quand Lamartine parut, on l'attendait. Le Génie du christianisme avait fait rouvrir les églises et préparé le rétablissement du culte, mais ce n'avait été qu'une satisfaction de l'imagination pour la classe lettrée, laquelle, gangrenée jusqu'aux moelles par la période d'im- piété et d'immoralité qu'elle venait de traverser, ne pouvait se hausser d'un coup à la solution du christianisme. Cette société disait au langage de Lamennais et de Bonald : durus est hic sermo, et c'était la faute de ce langage ; elle disait la même chose au langage de Joseph de Maistre, et c'était alors sa propre faute (5). Elle ne pouvait pourtant pas, à l'instar de l'académicien Etienne, se rallier avec conviction au Dieu des bonnes gens que lui présentait (4) Portraits contemporains, I, p. 284 (édit. de 1.869.) (5) Bonald, génie triste, absolu, abstrait, ne devait même pas se faire lire de la postérité. Lamennais décevait en 1819 par son second volume, où il essayait de rebâtir, toutes les espérances qu'il avait fat naître en 1817 par le pre- mier, où il démolissait. Joseph de Maistre, haut et puissant génie, ne pouvait de son vivant être entendu que d'un petit troupeau de croyants ; sa gloire étrange et rare allait être de ne devenir clair que dans l'avenir.