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64 DANS L'ANTIQUITÉ des imaginations perverties, et aucun penseur digne de ce nom n'oserait aujourd'hui les avouer. Même en Grèce, les rêveries de Platon ne pouvaient rester sans réfutation. Aristote passa au crible toutes ces belles idées, et sa critique pressante, pénétrante, ingénieuse, n'eut pas de peine à en montrer l'inanité. Déjà bien avant Aristote, le bon sens public en avait fait justice. La comédie, organe de ce bon sens de la foule, et si puissante pour ruiner par le ridicule ce qui heurte trop violemment l'ins- tinct de l'humanité, la comédie, dis-je, s'était emparée de ces utopies, elle les avait exposées au grand jour du théâtre ; à cette pleine lumière elle faisait éclater à tous les yeux leur absurdité. Elle les exagérait pour les rendre plus choquantes. C'est une loi de la scène de tout exagérer, les couleurs, la voix, le geste, les idées, condition absolue pour qui veut se faire bien voir, bien entendre, bien com- prendre ; mais le trait grossi n'en était pas moins vrai. C'est le grand moqueur Aristophane qui nous étale, grotesquement réalisés, les rêves qui hantaient plus d'un cerveau de mécontent bien avant que Platon leur prêtât l'autorité de son génie. La pièce est intitulé « L'Assemblée des femmes », ou plutôt « Les femmes à l'Assemblée » ; car il ne s'agit pas d'une réunion de quelques amies ; cette assemblée est celle qui se tient sur l'Agora, la place publique, où les citoyens d'Athène's décident par leur vote des des- tinées de la patrie. Voici le sujet et le dessin général de l'action. J'en écarte bien des bouffonneries qu'Userait diffi- cile de raconter ici. Ces bouffonneries grecques sont un peu grosses pour des oreilles françaises, même après Pot Bouille et la Bêle humaine. Une maîtresse femme, Praxagora, est lasse de voir les hommes gouverner seuls la République et confiner les