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LES UTOPIES SOCIALISTES • 63 République idéale qu'il propose à ses concitoyens, et qui, selon lui, doit assurer à la société humaine tout le bien-être possible, en même temps que la sécurité et l'honneur. Chacune de ces propositions est étayée d'un grand nombre de raisons que le philosophe croit plausibles et irréfutables. Entre le monde ancien et celui qu'évoque son génie, l'hu- manité choisira ; mais si elle veut être heureuse, là est le bonheur. Voilà où l'excès d'une logique à outrance pouvait con- duire un des plus grands esprits, une des âmes les plus hautes que le monde ait produites, et cela dans un livre où d'admirables idées sur le gouvernement des hommes, sur la justice, sur la vertu morale, font de nos jours encore l'admi- ration de quiconque est en état de les comprendre. Il est trop facile de reconnaître dans ces scènes étranges de Platon quelques-unes des erreurs et des rêveries de nos modernes réformateurs. Le phalanstère de Fourrier et l'Icarie de Cabet auraient réalisé en partie l'idéal rêvé par le philosophe grec. Disons toutefois, à l'honneur de la pensée moderne, qu'en général elle n'est pas allée aussi loin. La communauté des femmes et des enfants répugne trop à la nature épurée par le Christianisme, à des âmes qui, même à leur insu, quelquefois en dépit de leurs protestations, sont profondément imprégnées de l'esprit nouveau que l'Evangile a répandu dans le monde. Au milieu des sanglants désordres de l'Allemagne après la réforme, quelques fous furieux, Jean de Leyde par exemple, ont osé prêcher et mettre en pratique pendant quelques jours ces odieuses doctrines qui ruinent, avec le mariage, toute la moralité humaine. On dit qu'en Amérique certaines sectes soi-disant religieuses les ont introduites dans les règles de leur institut. Mais ce sont là des aberrations sans portée, enfantées par