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220                 NOTES SUR LE SALON

d'originalité et de talent dont le peintre a fait preuve dans
cette composition bizarre, se montrent plus tard sous une
forme moins étrange.
   Sur la terrasse ensoleillée, un trio d'honnêtes bourgeois,
le père, la mère et leur « demoiselle »,est attablé. Les fleurs
brillantes, les caisses d'oranger, le chien fidèle, font cercle
autour de l'heureuse famille. La table du déjeuner finissant
a été abondamment servie, le 'ciel est bleu, leur cœur est
pur, et ils s'ennuient effroyablement.
   « Retirés des affaires » ! Pauvres gens ! ils ont travaillé
vingt ans, trente ans, dans quelque boutique du vieux
Paris, marchands de bonnets de coton ou de pendules en
albâtre, suant, peinant, geignant après ce jour tant désiré
qui s'est un matin levé pour eux, après fortune faite.
   Ils ont eu la maison de campagne, la terrasse donnant
sur le point de vue, les fleurs du parterre et les fruits du
verger, la table rustique et la boule de verre étamée qui
vous rend ridicule rien qu'à la regarder. Ils ont tout cela,
et la mélancolie les obsède.
   Leurs traits sont tirés, pendants, flétris, la jeune fille a
du vague à l'âme, le père est accablé, la mère bâille et
s'endort, et la maison elle-même, si blanche et si coquette,
la maison que l'on voit dans la boule étamée, se courbe
aussi d'ennui, comme à demi pâmée.
   Cela rappelle les tableaux de Biard, qui ont réjoui une
génération qui achève de disparaître, ce n'est pas du grand
art, mais une scène de mœurs, fort spirituellement traitée
par M. Coeylas.
   Dans un genre beaucoup plus sérieux, Le Printemps, de
M. Pascal Blanchard, est un grand paysage carré, bosquet
mystérieux et verdoyant, où, sur un tertre couvert de
 mousse, émaillé de pâquerettes nouvelles, deux adolescents,