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NOTES D'UN PROVINCIAL 369 tateur ! Décidément on eût pu, en effet, ne pas s'en tenir à deux toiles pour un pareil maître ; il avait été parlé du Napoléon III, pourquoi ne l'ai-je pas vu? Passer de Flandrin à Courbet, c'est appliquer sans ména- gement la loi des contrastes. Le peintre des Casseurs de pierres était représenté à l'Exposition, et par les Casseurs de pierres eux-mêmes. C'est là une page intéressante, brutale, triviale si l'on veut, mais non point banale. On sent quel- qu'un dans ce peintre aux empâtements épais, aux touches vigoureuses, à l'accent surtout si personnel. Mais par quel phénomène de vision lui est-il impossible de considérer les hommes sans voir trivial, et les bêtes sans voir élégant, distingué, pathétique ? Les Demoiselles des bords de la Seine ont tous les défauts des Casseurs de pierres, mais sans com- pensation et sans excuse. Et en revanche, n'est-ce pas un morceau exquis que la Biche forcée, cette pauvre bête éten- due sur la neige, dans la solitude de ce grand paysage ? Manet aussi était un artiste étrangement inégal; son exposition, à côté de choses médiocres ou plutôt mau- vaises, car il ne faisait rien à demi, en offrait du premier ordre, telles que le Bon Bock, l'Homme mort, le Fifre, et sur- tout l'Espagnol jouant de la guitare. Je ne sais aucune œuvre, pour parler le langage propre de la peinture, comme ces deux dernières toiles, où le sujet n'est rien. Il est même moins que rien dans le Fifre. Sur un fond gris clair d'une audacieuse et déconcertante uniformité, un petit bonhomme d'enfant de troupe, bonnet de police sur l'oreille (et quelle oreille!) fifre aux lèvres, vastes pantalons rouges où il est à demi perdu, se présente crânement, dans une assiette solide et naturelle de musicien. Le pauvre galopin a la phy- sionomie la plus drôle et la plus attachante du monde ; à la fois résolu et naïf, on le sent isolé dans la vie comme