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4J0 lii PROCÉDÉ MUSICAL DE R. WAGNER Rompre l'équilibre des trois agents de la création esthé- tique, à savoir l'Idée, la Forme et la Vie, au profit de cette dernière, négliger la forme pour donner plus de force à la vie, c'est-à -dire pour concentrer l'attention sur la vie et sur les phénomènes qui l'expriment, telle est la tendance fortement accusée de l'Ecole réaliste contemporaine ; telle est l'erreur qui la pousse sur la voie menant droit à ce qu'on désignait, au début du romantisme, sous le nom de litté- rature de l'Ithos et du Pathos, Wagner qui a horreur de la formule, et avec raison, confond constamment la forme avec la formule. Il détruit la forme, inconsciemment peut-être, pour développer outre mesure l'intensité de la vie, comme nous venons de le voir. Et c'est là seulement que gît son originalité. Mais pour arriver à cette originalité, il trouble, il bouleverse de fond en comble le procédé musical, et il révolutionne au lieu de rajeunir les forces artistiques qui sont les agents du com- positeur. Or, en face de cette surabondance de vie qu'il cherche constamment à obtenir en précipitant, suivant son caprice, la course haletante et fiévreuse de sa Muse, par-dessus toutes les entraves de la forme qu'il méconnaît, et qu'il supprime, on se demande immédiatement s'il ne pouvait acquérir cette admirable faculté d'expression qu'en s'élevant au-dessus de toutes les règles admises et en réclamant vis- à -vis du rythme et de la tonalité une liberté absolue qui ressemble fort à la licence. L'histoire nous fournit la réponse en nous montrant la preuve du contraire dans un exemple illustre. Beethoven a respecté la langue musicale dont il s'est servi, et il l'a transformée par son génie. C'est un signe d'infériorité de Wagner de n'avoir pu s'élever que