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4 10 PAUL HUMBLOT Lamennais, et le suivait aveuglément en toutes les aven- tures où il lui plaisait de la conduire. Humblot n'accueillit qu'avec une prudente réserve ces tentations d'indépendance et d'innovations religieuses, si séduisantes cependant pour une imagination de vingt ans. L'antique foi maternelle protestait contre ces étincelantes chimères, et les idées d'autorité, qu'il considéra toujours comme un dogme nécessaire, le préservaient de la fièvre libérale. En littérature, sagement éclectique, il laissait son cœur rêver avec Lamartine, planer avec Hugo, pleurer avec Musset ; mais il ne faisait pas pour cela campagne contre les calmes grandeurs du passé. S'il feuilletait d'un doigt hâtif et nerveux le livre nouveau, qui paraissait dans le tumulte d'une émeute littéraire, plus volontiers, j'imagine, il ouvrait Racine à la page tant de fois relue. Car déjà il partageait et continuait les admirations des ancêtres; déjà il s'inclinait, sans les discuter, devant les traditions sécu- laires, devant la grande œuvre consacrée par le temps, et la vieillesse des choses comme la vieillesse des hommes s'imposait à ses respects. L'Ecole de droit n'a pas de telles exigences (qu'elle réclame tous les instants de l'étudiant et ne lui laisse de longues heures de liberté. Humblot, dont la nature aristo- cratique et fière répugnait aux paresses accoudées sur les tables de café et aux débauches bruyantes, où la dignité de l'homme court plus d'un danger, Humblot aimait le monde et fréquentait les salons de son grand-oncle, le pair de France et de sa tante qui avait épousé le célèbre chimiste Thénard. Madame Thénard alors dans tout l'éclat de sa beauté « recevait l'élite de la politique, de la science, des lettres, quelques jeunes gens de mérite, des femmes bonnes et belles. On faisait chez elle d'excellente musique. Parfois