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ET LE BARREAU LYONNAIS II on y dansait. » Et Humblot, dans ses notes de famille, semble avoir conservé de ces bals des souvenirs aimables et discrets que nous pouvons deviner en souriant. C'était alors un beau jeune homme grand et pâle, incarnant bien le type à la mode du poète mélancolique. Il était bien fait pour plaire aux femmes, dont il aima toujours la société déli- cate et la conversation enjouée, où les choses graves ont un joli sourire, où les jolis sourires sont souvent chose grave. Mais les études terminées, il fallut entrer résolument dans la lutte et faire ses premiers pas dans une carrière, qui trop souvent ne tient ses promesses qu'à de lointaines échéances, et demande pour le succès autant de patience que de talent. Humblot se fit inscrire en 1829 comme stagiaire au Barreau de Lyon. Il lui demeura toujours fidèle, y remporta toutes ses victoires, y conquit toute sa renommée. Mais avant d'arriver au but que d'attentes stériles, que de lassitudes, que de découragement à se sentir prêt et armé et à voir les occasions insouciantes vous laisser dans le silence et dans l'oubli. Humblot connut cette amertume qui est peut-être la compensation des bonheurs de la jeu- nesse. Longtemps, il travailla pour l'avenir dans son cabinet désert, où ne le venait pas troubler la visite bienvenue d'un client ; et déjà il songeait à quitter cette ingrate profession qui le méconnaissait pour aller s'asseoir à je ne sais quel comptoir, où, triste et misanthrope, il eût brisé les ailes de ses espérances et asservi son imagination au monotone tra- vail du modeste employé. — Mais, prêt à ce suicide moral, il eut le bonheur de rencontrer deux confrères qui se firent ses protecteurs et ses patrons, qui relevèrent son âme abattue, lui envoyèrent des affaires retentissantes et four- nirent un théâtre à son talent.