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286                  LA BOUCLE D'OR




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   Une autre fille de l'abbé Germain avait épousé un
employé de soierie. Le couple habitait une maisonnette
dépendant d'un clos, au fond d'une de ces longues rues
aux murs gris, dont est sillonnée la partie occidentale du
plateau.
   Mme Bonin dévidait de la soie pour son beau-frère, tout
en se donnant du genre bourgeois et aimant un peu
« à faire claquer son fouet » ; elle avait décerné à sa plus
grande chambre le titre de salon et recevait quelquefois.
Sa sœur, Mme Jauffrey ne manquait jamais d'amener Jean
Michel. Celui-ci, danseur très apprécié, quand venait la
fête de la maîtresse de maison, accompagnait toujours
Tenvoi de son pot de fleurs d'une poésie qu'on se passait
de main en main, les jours suivants, dans tous les clos
voisins.
   Ni l'un ni l'autre des deux ménages n'avait eu d'enfant,
mais M. et Mmc Bonin avaient adopté une parente —
quelque chose comme une nièce à la mode de Bretagne
— orpheline de père ef mère, élevée à la campagne jusqu'à
l'âge de trois ans. C'était une brunette, aussi sèche qu'un
brin de lavande, remuante comme un oiseau ; vous l'eus-
siez prise pour un garçon, à la voir grimper aux arbres ou
escalader un mur. Mais, entre quatorze et quinze ans,
lorsqu'on l'eut retirée d'un petit pensionnat où elle avait
été mise à l'époque de sa première communion, tout à
coup elle devint femme : ses yeux de bohémienne effrontée
prirent une douceur troublante, sa démarche, sans rien
perdre de sa vivacité native, acquit du rythme et de l'har-