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LA BOUCLE D'OR 285 au moment de la Révolution, l'abbé Germain avait fait partie du clergé assermenté ; il s'était marié et, de cette union, avait eu plusieurs enfants. Plus tard, les époux, d'un accord mutuel, s'étaient séparés, la mère pour aller dans un couvent où elle finit ses jours, le père pour rentrer dans le ministère sacré. Des enfants, tous pourvus d'une condition, deux s'étaient établis sur la paroisse même qu'avait desservie l'abbé Germain, sans que celui-ci fit rien pour dissimuler ce témoignage vivant d'un passé qu'il déplorait, et sans que personne en prît une occasion de scandale. D'ailleurs, si nous nous reportions à la première moitié du siècle, nous trouverions au clergé français une liberté d'allure dont on n'a plus l'idée. Il existait encore quelques prêtres de l'ancienne église de France et, parmi les autres, bon nombre avaient fait les campagnes de la République et de l'Empire : de là , ces curés sans pruderie, sachant ré- pondre, le front haut, à leur évêque, parlant avec rondeur à leurs ouailles, disant leur messe en vingt minutes, com- mentant à la bonne franquette l'évangile du dimanche, et nullement embarrassés pour viser un gibier ou pour retrousser leur soutane s'il s'agissait de tirer une boule sur la place de l'église. Toute la Croix-Rousse a connu un brave desservant que ses modestes ressources réduisaient à faire lui-même son ménage et qui, le dimanche matin, au sortir de l'office, traversait la rue pour aller chez le charcutier acheter la côtelette bouillie de son déjeuner. Il tapotait paternelle- ment la-joue des enfants, et les ménagères s'écartaient avec déférence lorsqu'il entrait dans la boutique. — On parle de la simplicité évangélique : la voilà ! N° 4. — Octobre 1887. 19